Thunderbolts*
6.5
Thunderbolts*

Film de Jake Schreier (2025)

Thunderbolts = le saint sauveur du MCU ?


- On est à la dérive. On sert plus à rien. On échappe pas au é.
- Tu résous le problème, ou tu vis avec.
- Donc, on frappe et on tir ?
- On est les Thunderbolts !
- J'interdis ce nom.
- Tu m'étonnes.
- "Les Thunderbolts".
- C'est classe.



Mesdames et messieurs, faites place aux AVENGERSZ, avec un z comme dans "zut, c’est qui eux ?" !



Thunderbolts, réalisé par Jake Schreier, clôture la phase cinq du MCU tout en s’inscrivant comme le second chapitre de la saga du Multivers. Trente-sixième film du Marvel Cinematic Universe, c’est une œuvre à laquelle je n’accordais, pour être honnête, que peu d’attentes. Après une série de désillusions répétées, j’avais fini par ne plus espérer grand-chose de cette franchise en perte de vitesse. J’espérais un tournant avec Captain America: Brave New World, une forme d’aveu, un sursaut créatif qui malheureusement ne vint jamais. Et voilà que, contre toute attente, c’est Thunderbolts, que je voyais venir sans grand enthousiasme, qui me prend à revers. Et bon sang, que ça fait du bien ! Attention, Thunderbolts n’est pas irréprochable. Il a ses limites, ses approximations, mais il réussit à retrouver ce ton, cette dynamique et ce souffle qui semblaient perdus depuis un bon moment. Il s’impose comme un épisode solide, imparfait mais engageant, dans un univers qui avait grand besoin de retrouver un semblant de vitalité. Est-ce qu'on peut dire que Marvel est sauvé ? Bien sûr que non. Peut-être n’est-ce qu’un accident heureux, une anomalie agère dans une mécanique sacrément grippée. Ou peut-être est-ce le signe, timide mais réel, d’un retour en force à venir. En tout cas, je veux y croire. Mais alors, qu’est-ce qui a permis ce regain inattendu ? Qu’est-ce qui fait que ce film-là en particulier fonctionne là où tant d’autres se sont effondrés ?



Sur un scénario signé par le duo Eric Pearson et Joanna Calo, Jake Schreier réussit un pari qui semblait devenu impossible dans l’écurie Disney, à savoir livrer un récit entièrement recentré sur son sujet, sans être parasité par des agendas idéologiques appuyés, ni des clins d’œil opportunistes destinés à satisfaire tel ou tel public. Ne pas chercher à flatter tel ou tel groupe, ni à cocher des cases, une démarche qui paraît aujourd’hui presque irréalisable chez Disney, et pourtant, Thunderbolts le fait. C'est une œuvre qui se contente (…et c’est déjà immense !…) de raconter une histoire avec cohérence, honnêteté et une volonté sincère de divertir tout le monde. Et c’est précisément cette simplicité retrouvée qui rend le film si fort. Car sous ses allures de blockbuster explosif décérébré, il aborde un thème profondément universel, qui traverse toutes les cultures, tous les genres et toutes les origines, celui du mal-être intérieur, autrement dit, la dépression. Un trouble mental insidieux qui agit en profondeur, bouleversant nos pensées, nos émotions, nos gestes et même notre rapport au corps. La dépression peut entraîner un chagrin persistant, une perte de confiance en soi, parfois jusqu’à des pensées noires ou suicidaires. Souvent déclenchée par des épreuves marquantes comme le deuil, la séparation, la solitude, le harcèlement, elle résonne en chacun de nous. Et c’est précisément ce terrain commun que Thunderbolts explore à travers chacun de ses personnages. Le scénario ne s’en sert pas comme d’un prétexte émotionnel facile, mais comme d’un fil rouge réel. Une exploration fait avec une finesse inattendue, puisque le film va même jusqu'à oser mettre de côté l’affrontement final spectaculaire tant attendu pour aboutir, dans sa conclusion, à une séance de groupe thérapeutique poignante, où les personnages se mettent à nu. Une démarche audacieuse dont on ressort troublé, tant on ne s’y attendait pas, et parce qu’on s’y reconnaît.



Je tiens à rassurer celles et ceux qui veulent avant tout voir un grand spectacle où une escouade de "héros" cogne sans retenue dans un feu d’artifice d’action décomplexée. Car sur ce point, Thunderbolts remplit pleinement son contrat. Les affrontements sont parmi les plus efficaces et mémorables que le MCU nous ait offerts depuis un bon moment. Les chorégraphies sont percutantes, l’impact des coups se fait sentir, et plusieurs séquences s'imposent par leur intensité visuelle et narrative. Dès son introduction, Yelena Belova (Florence Pugh) brille dans une scène saisissante avec des jeux d’ombres contre une poignée d’hommes de main. Plus tard, un affrontement collectif survolté entre Yelena, John Walker (Wyatt Russell) alias U.S. Agent, Ava Starr (Hannah John-Kamen) alias Ghost, Antonia Dreykov (Olga Kurylenko) alias Taskmaster, et Bob (Lewis Pullman), embarqué bien malgré lui dans ce chaos. La course-poursuite en véhicule blindé face aux mercenaires de la Comtesse Valentina Allegra De Fontaine (Julia Louis-Dreyfus) marque le retour en grande pompe de Bucky Barnes (Sebastian Stan), alias le Soldat de l’Hiver, qui enchaîne les acrobaties à dos de moto dignes d’un Terminator 2, version super-soldat. Et que dire du choc opposant l’équipe des Thunderbolts au complet, avec en plus Alexei Shostakov (David Harbour) alias le Red Guardian, face au surpuissant Sentry. Un combat intense, visuellement redoutable, qui m’a littéralement donné des frissons. Arrive enfin le Vide, une menace qui se manifeste davantage comme une entité abstraite que comme une menace directe. Sa mise en scène d'introduction est aussi déroutante qu’impressionnante, et confère à sa présence une aura de terreur cosmique qui relègue sans mal Kang, le conquérant de pas grand chose, au rang de simple figurant. Le tout est ponctué d’un humour omniprésent, qui a le bon goût de ne jamais désamorcer l’émotion ou le drame. Certaines blagues tombent un peu à plat, certes, mais beaucoup fonctionnent et apportent un vrai souffle au récit, sans jamais le détourner de sa trajectoire.




- Vous êtes totalement adorables.
- On t'emmerde, Valentina.



Du côté de la réalisation, mon ressenti est plus nuancé. La photographie d’Andrew Droz Palermo adopte un style dépouillé qui est dominé par une teinte grisâtre omniprésente, à l’image des décors assez répétitifs de Grace Yun. Cela dit, on appréciera le clin d’œil nostalgique à la tour Stark, autrefois centre névralgique des Avengers. Les costumes conçus par Sanja Milkovic Hays manquent globalement de relief, à l’exception de celui de Sentry, qui se démarque visuellement. En revanche, le montage signé Angela M. Catanzaro et Harry Yoon est une franche réussite. Dynamique et clair, il maintient un bon équilibre entre rythme soutenu et lisibilité. Quant à la bande originale de Son Lux, elle ne brille pas par son ampleur mais propose une ambiance dramatique discrète qui colle bien à l’atmosphère du film. Côté casting, c’est une vraie satisfaction. Des personnages longtemps relégués au second plan trouvent enfin l’occasion d’exister pleinement, formant un groupe homogène et attachant. Florence Pugh en Yelena Belova s’impose comme une meneuse crédible et intense. Elle reprend le flambeau de Black Widow avec assurance, portée par un é douloureux déjà esquissé dans le film injustement boudé "Black Widow". Sa relation avec son père, Alexei Shostakov, fonctionne à merveille et apporte une vraie touche d’émotion. Habituellement, je suis peu friand des ressorts comiques trop appuyés, mais ça n'a jamais été le cas avec Alexei, le grand Red Guardian, porté par un David Harbour inspiré. Ce que j'aime avec personnage, c'est qu'il fait le pitre, mais pas que pour l'humour, car cet enchainement de désinvolture traduit au contraire des fêlures plus profondes, amorcées dans le film Black Widow et prolongées ici avec efficacité.



Wyatt Russell livre également une prestation convaincante en U.S. Agent, un personnage que je trouve de plus en plus intéressant. J'aime le découpage de son traumatisme, et surtout il ne mérite pas d'être trainé dans la boue pour son if. J'espère le retrouver avec autant de temps de présence dans un prochain film. Lewis Pullman surprend agréablement en incarnant les différentes facettes du Sentry. Je ne l’attendais pas à ce niveau, et sa place dans le groupe est bien pensée, ajoutant une dimension tragique supplémentaire au récit. Ava Starr en tant que Ghost, reste la plus effacée du groupe. Hannah John-Kamen livre une prestation correcte, mais son personnage souffre d’un manque de développement. Il faut dire que son parcours if la résume à peu de chose, un simple cobaye dans Ant-Man et la Guêpe, un film que je n’avais déjà pas apprécié, notamment à cause de l’inintérêt flagrant de Ghost. Cela dit, même si elle est ici plus en retrait par rapport aux autres membres des Thunderbolts, son traitement s’avère tout de même meilleur que dans son film d’origine, et rien que ça, c’est déjà un progrès car je l'ai apprécié, ici.



En revanche, quel plaisir de revoir enfin Sebastian Stan en mode destruction ! Son retour en force dans la peau du Soldat de l’Hiver, ou plutôt du Loup Blanc, fait vraiment du bien. C’est ainsi qu’on veut le voir, libéré de ses dilemmes politiques ou de son rôle de faire-valoir, il devient ici le véritable point d’ancrage de l’équipe. C’est lui qui forme officiellement les Thunderbolts, endossant le rôle de leader naturel d’un groupe à la dynamique aussi surprenante qu’efficace. Une équipe à laquelle on s’attache rapidement et qui, dans son affrontement final, évoque les meilleurs souvenirs des Avengers, mais sans les plagier, et en apportant au contraire sa propre particularité. Et c’est justement là que le contraste devient frappant. Cette nouvelle formation, certes bancale et inattendue, me semble mille fois plus solide sur le plan émotionnel, narratif et humain que celle, bien trop aseptisée, de Sam Wilson alias Captain America. Rien à faire, Sam, je t’apprécie, mais ton équipe sonne creux. Elle aligne peut-être quelques têtes d’affiche impressionnantes sur le papier, mais leurs arcs manquent cruellement de consistance. Beaucoup proviennent de séries ou de projets sans grande ambition, souvent davantage motivés par une volonté de cocher des cases que par un réel souci de construction dramatique. Les Thunderbolts, eux, ne sont pas parfaits, loin de là. Mais ils dégagent une cohésion, une énergie et une sincérité dans la souf qui les unit, qui les rend bien plus attachants. Ils offrent une dynamique de groupe crédible, portée par des trajectoires personnelles fortes, et parviennent ainsi à imposer une identité qui leur est propre. Lorsqu'ils sont reconnus comme les nouveaux Avengers. D’abord, on est presque choqué par cette annonce ; puis, au fil des minutes, on commence à s’y faire, jusqu’à finalement valider complètement cette idée lors du générique final, qui est ponctué de nombreux articles de presse fictifs, aussi absurdes qu’hilarants, qui consacrent cette équipe dysfonctionnelle comme les dignes héritiers des Avengers, même si elle ne fait pas l’unanimité parmi les habitants du monde du MCU. Pour ma part, je préfère ces B-vengers, ou AvengersZ pour éviter le plagiat, à la nouvelle équipe des Avengers.



CONCLUSION :


Thunderbolts surprend là où on ne l’attendait plus : un vrai sens du spectacle, une équipe dysfonctionnelle mais attachante, et une approche thématique audacieuse qui redonne un peu d’âme à un MCU en perte de vitesse. Ce n’est pas un miracle ni un chef-d’œuvre, mais c’est un film qui assume pleinement ce qu’il veut raconter, sans tricher, sans détour, et c’est peut-être ce dont cette franchise avait cruellement besoin pour se réinventer un minimum.


Alors non, Thunderbolts ne sauvera pas le MCU à lui seul… mais il lui redonne, le temps d’un film, un semblant d’âme et de sincérité qu’on pensait perdus.


- Le Captain America en carton se la raconte.
- J'étais le Captain officiel, je te signale.
- Pendant deux secondes.

8
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le 3 mai 2025

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