En septembre 1980, un coup d'état militaire assombrit le ciel de la Turquie. A la suite de celui-ci, la dictature sévit et provoque ses ravages, assassinant les opposants ou les incarcérant. Le droit de sortie est suspendu dans les prisons du pays. Toutefois, au bout de quelques temps, cinq détenus de droit commun obtiennent une permission d'une semaine. Ces hommes partent donc chacun de leur côté, persuadés de pouvoir profiter pleinement de cette courte période de semi-liberté pour redre leur famille. Malheureusement, ils ne se doutent pas que pour chacun d'entre eux, cette permission les emmènera vers un destin cruel et tragique.
Cette oeuvre connut un tournage quelque peu singulier. En effet, le cinéaste turc Yilmaz Güney se trouvait à la suite du coup d'état emprisonné pour ses idées politiques. C'est donc en prison qu'il écrivit cette dramatique histoire. Il transmit depuis sa cellule ses instructions que Sérif Gôren respecta scrupuleusement. Yilmaz Guney parvint à s'évader de la prison et put se consacrer entièrement au montage et à la présentation du film qui fera sensation au Festival de Cannes en 1982.
Yol (la permission) est un film plein de contrastes, à l'image de la Turquie de l'époque. Par les cinq destinées de ces personnages attachants et déjà marqués par les soufs de la vie, le réalisateur nous brosse un panorama de ce pays sous le joug d'une répression continuelle, exécutée par une police et une armée omniprésentes. Lorsque les permissionnaires sortent de prison, ils se trouvent dans le contexte d'une grande ville avec des signes de vie à l'européenne. Puis, chemin faisant, ils vont se retrouver au milieu de leurs familles et de leurs terres notamment au Kurdistan où l'armée extermine et exécute les opposants au régime.Dans cette région une grande partie des habitants continue de pratiquer les coutumes ancestrales qui font bien souvent des femmes les victimes désignées. L'exemple de cette épouse adultère séquestrée et condamnée à mort par sa famille et qui, entraînée par son mari et son fils à travers la montage enneigée, mourra de froid et d'épuisement est très dur à er mais pourtant bien réel, aussi réel que cette séquence où l'un des permissionnaires, lors de sa courte entrevue avec ses enfants et sa femme, est surpris à faire l'amour avec elle dans les toilettes d'un train. Ils seront la cible et les victimes de la vindicte des autres voyageurs au nom de "la bonne moralité". En fait, nos cinq prisonniers ne sont sortis de leur cellule que pour entrer dans un autre monde carcéral dominé par une religion cruelle et fanatique qui se veut garante des coutumes ancestrales et d'une junte militaire privant une grande partie du peuple des libertés les plus fondamentales.
Ce film est remarquablement réalisé. Les personnages torturés et meurtris au plus profond d'eux-mêmes sont attachants et réalistes à souhait dans leur quête pour une liberté éphémère. Ils évoluent au milieu de paysages séduisants de beauté malgré les forces hostiles qui planent à chaque détour de ceux-ci. De plus, il n'est pas possible de contester l'indéniable utilité de ce film qui nous montre et nous alerte, avec un pur réalisme, sur l'état de la Turquie en 1980.
Au moment où les discussions s'activent au sujet de l'entrée de ce pays au sein de la communauté européenne, on ne peut qu'espérer que bons nombres de choses ont évolué favorablement. Néanmoins de telles plaies et de tels traumatismes sont souvent très longs à disparaître. Les survivants de nos cinq permissionnaires sont le portrait type de ces gens qui, toute leur vie, seront marqués par les terribles épreuves que leur pays leur à fait subir. Le réalisateur Yilmaz Güney lui, a pu s'enfuir de prison et de son pays afin de nous faire parvenir ce terrible témoignage. Celui-ci est arrivé jusqu'à Cannes et sur nos écrans. Nous avons fort bien reçu ce déchirant message et ce très beau film.
Ce film a obtenu:
La Palme d'or au Festival de Cannes 1982.