Polémique ou pas polémique Netflix, j'avoue que le dernier né de Bong Joon-ho ne m'attirait pas spécialement. Je craignais une oeuvre très facile, qui te balance sans arrêt et sans subtilité que les abattoirs c'est le mal, que le lait c'est un meurtre et autres "le fromage c'est un génocide". Enfin vous voyez le tableau quoi, mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, ça ne veut pas dire que je soutiens les abattoirs hein ! Enfin bref, j'y suis allé un peu à reculons.
L'avantage d'y être allé un peu méfiant, c'est que j'en suis ressorti avec une excellente surprise ! Ce que j'aime tout particulièrement avec Okja, c'est sa façon incroyable de fusionner les registres afin de parler à tous. Tout en restant en soi une satire sur beaucoup de choses, Okja est également un conte assez touchant, une aventure colorée et attachante où l'on suit la petite Mija à la recherche de son ami de toujours, le super-cochon éponyme repris par la multinationale qui l'avait confié à la famille de Mija des années plus tôt.
Pour la fillette, aucune question sur la condition animale ou humaine et tout ça, non, juste l'envie de retrouver son cochon. Et c'est ce qui me plaît. A l'image de cette scène où Mija retrouve Okja avec autour d'eux une foule déchaînée se battant avec l'autorité, le film avance tel un conte enfantin enrobé d'un plaidoyer mordant sur plusieurs sujets qui font mal. Que ce soit la condition animale dans les abattoirs, la surmédiatisation pour parler au public, le pouvoir d'achat, les OGM et autres, Okja vise juste et ne sombre que peu dans le manichéisme pur et dur. Tout le monde en prend pour son grade, méchants comme gentils, et ça se voit.
Un autre point fort du film, c'est de ne jamais tomber dans la dramaturgie à grands coups de sabots, là-encore, il vise juste et se révèle très efficace. Sa particularité venant du fait qu'il mélange les registres. Parfois comédie, parfois action, parfois drame, Bong Joon-ho livre une oeuvre variée faisant er par toutes les émotions. L'attaque des militants de la condition animale pour libérer le cochon du camion où il se trouve, suivi de sa petite virée dévastatrice au super-marché, et quelques autres moments particulièrement désopilants viennent ainsi égayer l'aventure, qui n'oublie toutefois pas de se faire poignante voire même dure à plusieurs reprises. J'ire aussi la faculté du réalisateur à faire ressentir deux choses en une seule scène, par exemple celle où Jake Gyllenhaal extrait de la viande à Okja, où l'acteur est en totale roue libre et en devient hilarant, alors que la scène en elle-même est assez pesante, inquiétante. Car oui, niveau réalisation, Bong Joon-ho se débrouille comme un chef et filme son ensemble avec une certaine maestria.
S'ajoute à cela une palette d'acteurs variée, avec bien sûr Jake Gyllenhaal susmentionné, mais aussi l'inquiétante Tilda Swinton, elle-aussi pas mal hystérique mais de façon à superbement coller à son personnage et à ses façons de parler au public, Paul Dano excellent dans son rôle d'écolo aux méthodes surprenantes, sans oublier la petite Ahn Seo-Hyun qui fait des merveilles et se montre parfaitement crédible dans sa quête de retrouvailles avec son copain porcin.
La fin douce-amère est le point d'orgue d'un film engagé, pas tout à fait optimiste mais pas non plus complètement négatif, tout en étant un conte virtuose, coloré et déjanté mais aussi particulièrement poignant, qui pourrait même être montré à des enfants sans qu'il en perde la force de son propos. Sans être dénué de défauts (notamment la lourdeur du personnage de Nancy Mirando sur la fin), Okja est un film malin et traitant son regard critique avec une grande efficacité. Un tour de force.