En utilisant des procédés d’évaporation de l’espace-temps, avec ces allers-retours entre deux époques et deux lieues différents, afin de donner à son film une sensation de vertige contrecarrée par les mouvements gracieux de Shu Qi, égérie féminine à la sensualité féline, Hou Hsiao-Hsien réussit avec ce film une sorte de miracle cinématographique d’une fluidité à laquelle ses artifices de mise en scène, une caméra souvent en mouvement ou tremblante, des ralentis incessants, ne se prêtait pas forcément.


La scène d’intro accompagnée d’une musique de boîte de nuit, montrant l’actrice principale marchant dans un long couloir la conduisant vers un nouveau départ, au rythme de ses déhanchements et ne manquant jamais de se retourner et de regarder la caméra matérialisant un é sur lequel elle désire tirer un trait sans manquer d’en tirer les leçons, est le fil conducteur entre ces deux moments phare de sa jeune histoire.


Difficile d’expliquer l’attachement que l’on peut avoir pour ce genre d’œuvre qui se fait fi d’à peu près tous les procédés habituels du cinéma, un script aussi épais qu’une feuille à cigarette, la mise au diapason d’instants futiles filmés au ralenti comme des moments de grâce, des personnages désenchantés, une musique basique aux notes ronflantes qui accompagne les déambulations de la jeune héroïne, autant d’artifices prompts à décourager les plus ardents irateurs d’un cinéma austère. Et pourtant ça marche.


Sans doute du fait de la ion de son réalisateur pour le corps de Shu Qi, que personne avant lui n’était parvenu à filmer aussi bien. Il en fait une sorte d’objet de désir insaisissable à la volupté profane, aux courbes sinueuses comme la parfaite élévation d’une fumée de cigarette, une reine de beauté dans l’empire de la nuit, une gamine qui cueille le jour, un peu paumée, libre, féline.


Rarement un cinéaste, si l’on fait exception du Wong Kar-Wai des Anges Déchus, ne sera parvenu aussi bien à capter les déambulations, les petits instants de bonheur et les désarrois d’une génération s’apprêtant à entrer dans la nouvelle ère techno avec autant de futilités et de petits riens, juste la mélancolie du temps qui e et s’effrite au rythme des mouvements d’une héroïne divine et sensuelle.

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le 8 juin 2019

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Philippe Quevillart

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