L'introduction de L'Arnaqueur est géniale, tout est dedans, on découvre Eddy, feintant de ne pas être si bon et de ne pas tenir l'alcool, d'un coup s'illuminer pour arnaquer son opposant au billard.
Robert Rossen reprend une partie des codes du film noir (belle photographie en noir et blanc, ambiance jazzy où les vapeurs d'alcool et la fumée de cigarette sont de chaque plan ou presque, un côté tragédie, des thématiques dures, etc) dans sa mise en scène de L'Arnaqueur, où un Paul Newman flambeur comme rarement se retrouve coincé dans un cycle compétitif au billard. C'est l'une des grandes forces du film, Rossen nous introduit un personnage jouant au minable avant de devenir flamboyant qui, en réalité, est plutôt flamboyant avant de devenir minable, faute de savoir quand s'arrêter, maîtriser ses nerfs, son jeu et sa soif d'alcool.
Tous les personnages gravitant autour de lui vont le maintenir, plus ou moins, dans ce cycle, d'un opposant très fort (superbe Jackie Gleason, avec un des surnoms les plus classes du ciné/littérature, Minnesota Fats) qui sait se maîtriser, à une alcoolique qui tentera de prendre soin d'Eddy à sa façon, en ant par une sorte de bookmarker au double jeu, se révélant surtout dangereux (génial George C. Scott). Robert Rossen maîtrise bien tout ce monde, c'est fluide, que ce soit dans les interactions ou la place que chacun prend dan l'histoire. Il ne braque pourtant sa caméra que sur Eddy, c'est sa tragédie, et ceux autour n'existe pas sans lui, renforçant l'aspect magnétique de son protagoniste.
L'atmosphère, donc, est vraiment prenante, il y a un parfum de tragédie, mais surtout un côté sombre, accentuant par le fond jazzy et les spirales négatives dans lesquelles va être entraîner Eddy. Le billard compte, évidemment, et les parties sont plutôt bien mises en scène, mais l'essentiel se trouve vraiment dans l'étude de caractère, l'humanité (dans tous les sens du terme, bon comme mauvais, surtout mauvais) qui ressort des personnages. Le vainqueur n'est pas forcément celui que l'on croit, et la difficulté de sortir d'une routine pourtant néfaste est bien mise en avant, ainsi que les électrochocs qui, parfois, peuvent aider à s'en tirer.
Robert Rossen signe un grand film avec L'Arnaqueur, une tragédie humaine sur fond de billard, se rapprochant du film noir tant dans le fond que la forme, où le fond jazzy, les fumées de cigarette et la vapeur d'alcool accompagne une descente aux enfers.