En ces temps de (relative) disette cinématographique, je cherchais désespérément un film enthousiasmant, après deux films irlandais durs voire malsains (Tu ne mentiras point et Le clan des bêtes), quand je me suis décidé pour Ghostlight, coréalisé par Kelly O'Sullivan et Alex Thompson, sur un scénario de Kelly O'Sullivan. Bien m’en a pris.
Le film est centré sur une famille plutôt banale à première vue. Dan (Keith Kupferer) travaille comme ouvrier de voirie à Chicago et il est marié avec Sharon (Tara Mallen). Leur fille Daisy (Katherine Kupferer) est en pleine crise d’adolescence et se fait remarquer régulièrement à l’école pour son rejet de l’autorité qui va jusqu’à la remise en question de l’autorité parentale. Dan et Sharon ont du mal à se mettre d’accord sur la façon de réagir. Suite à sa dernière incartade, Daisy se voit contrainte de suivre des séances avec un psy. Mais, elle n’y met pas du sien…
Leur vie va prendre une autre tournure quand Dan intègre une troupe amateure de théâtre. Cela se fait sur une sorte de hasard et presque contre son gré. Heureusement, cet aspect artificiel s’oublie très rapidement. Or, ce groupe travaille à un projet ambitieux, la mise en scène de Roméo et Juliette de Shakespeare. On les voit ainsi dans des séances de lecture de la pièce, tous assis à une table avec le texte sous les yeux. On les voit aussi dans des séances d’exercices destinés à les entrainer à l’improvisation mais aussi tout simplement de cohésion. Des exercices destinés à pallier l’absence de spécialiste pour diriger les chorégraphies de combats ainsi que d’approche intime, puisqu’il y a quand même une scène de baiser. Ils sont plutôt bien dirigés et investis, ce qui laisse espérer un résultat au moins honorable, même s’ils se montrent capables d’oublier des répliques ou d’en modifier certaines, alors même qu’ils témoignent une iration sans borne à Shakespeare et à l’œuvre, puisqu’ils refusent la moindre modification, comme celle que Dan suggère à un moment.
Il se trouve que ces séances font du bien à Dan qui venait de péter les plombs à son travail, ce que Rita (Dolly de Leon) avait observé avant de l’inciter à intégrer la troupe pour pallier à une absence. Malgré son prénom, Rita n’a rien d’une Rita Hayworth, puisque c’est une petite bonne femme qui doit bien avoir la cinquantaine. Elle a fait du théâtre en professionnelle il y a un bout de temps. Elle réalise son rêve avec le rôle de Juliette. Le souci, c’est qu’elle n’a vraiment plus l’âge, ce qui commence à poser problème. Qu’importe, celle qui les dirige trouve une idée originale pour surmonter la difficulté.
A force de répétitions, Dan qui se coltine avec la pièce dans son ensemble y trouve des échos avec sa vie. On s’en doutait un peu, vu que la famille se préparait pour un procès, ils affrontent un drame qui les ronge depuis un an. Alors que Dan qui fait ce qu’il peut pour se rapprocher de sa fille et qu’ils évoquent Roméo et Juliette Daisy lui récite le tout début et lui rappelle qu’il s’agit d’un drame.
Le scénario se montre assez subtil, puisqu’il parvient à maintenir le suspense sur le drame familial assez longtemps, nous révélant ses composantes au fur et à mesure, au fil des répétitions et des circonstances. Autant dire qu’on sent quasiment du début à la fin qu’il s’agit d’un film américain dans l’esprit, qu’on pourrait traduire par le slogan bien connu « Just do it » qui nous met face à une situation particulièrement tendue suite au drame dont on découvre progressivement l’ampleur.
Et, bien entendu, l’alchimie entre les acteurs se fait et va jusqu’à déteindre sur l’ambiance familiale qui devrait retrouver son unité. Il faudra quand même pour cela que Sharon accepte que Dan en embrasse une autre qu’elle, en comprenant que ce n’est pas pour de vrai. Quant à Dan, il devra se laisser aller pour se mettre dans les conditions nécessaires pour jouer de façon convaincante.
C’est donc l’essentiel du jeu d’acteur qui est ici au centre de l’intrigue. Bien entendu, il s’avère aussi que dans la vie, on joue d’autres pièces de théâtre, en famille par exemple, mais aussi devant un juge lors de la préparation d’un procès.
Ce que le film met en évidence, c’est qu’on peut s’épanouir en faisant du théâtre en amateur et même avec des moyens dérisoires. Ce film à petit budget avec son casting improbable nous rappelle que l’investissement d’une équipe permet des petits miracles. Surtout, il met en évidence que la réputation de Shakespeare et de sa pièce Roméo et Juliette ne doivent rien au hasard. On remarque au age que l’aspect ronflant des répliques de Shakespeare trouve sa justification sur scène. Enfin, si ce film fait le parallèle entre cinéma et théâtre, il nous vaut un vrai bon moment, avec quelques traits d’humour et de nombreuses scènes qui font monter le curseur émotionnel à un niveau qu’on n’attendait pas forcément.