Un policier débutant se fait voler son arme lors d'un trajet anodin en bus. Aidé d'un vétéran sympathique, il va tout mettre en œuvre pour la retrouver avant qu'elle ne fasse trop de dommages.
Kurosawa utilise cette enquête minutieuse, longue et laborieuse pour raconter le désespoir et l'accablement d'un Japon traumatisé par la guerre, dont les habitants sont minés par la misère, le rationnement et le désœuvrement. Il en résulte, malgré un réalisme presque documentaire, une atmosphère étrange, apathique et désenchantée, seulement traversée par quelques éclats de folie, de joie ou de violence, comme autant d'éclairs d'un orage trop longtemps attendu.
Et si celle-ci, combinée au rythme forcément lancinant, pourra en rebuter certains, ce serait regrettable tant les qualités inhérentes au cinéma du réalisateur sont bien présentes : une conscience sociale aiguë, un questionnement philosophique permanent et pertinent (on s'interrogera ici notamment sur la notion de destin, sur son rapport aux choix et aux situations subies), une distribution exceptionnelle (Mifune et Shimura, parfaits comme toujours), des personnages profonds et charismatiques, des scènes d'une force immense et une maîtrise de la mise en scène, de l'art du plan sublime, simplement inégalée.
Peut-être moins indispensable que les deux chefs d'œuvre absolus que sont à mes yeux Rashomon et Barberousse, cette pellicule n'en demeure pas moins précieuse.