Au niveau des idées, c'est sans doute le film sur l'enseignement dont je me sens le plus proche, parmi tous ceux sortis ces derniers mois. Il a le mérite d'aborder de front l'une des problématiques principales qui sont posées aux enseignants aujourd'hui : comment expliquer la tolérance et le respect d'autrui à des populations de plus en plus radicalisées? Que ce soit par aveuglement, bêtise ou lâcheté, preque aucun film sur l'enseignement n'évoque cette problématique, qui est pourtant de plus en plus prégnante aujourd'hui, et c'est un enseignant de plus de 15 ans d'expérience qui vous parle. Donc, rien que par son sujet, ce film est déjà remarquable, il plonge sans fausse pudeur dans l'extrémisme religieux qui se répand comme la peste dans les quartiers défavorisés, sans pour autant verser dans le discours d'ultra-droite. On voit bien comment cet extrêmisme se répand : on utilise les bases mêmes de la démocratie pour s'infilter, comme un ver dans le fruit, ici un professeur de religion en apparence tout propre sur lui, prompt à servir les éternels poncifs bienveillants envers les élèves, est en fait un dangereux salafiste qui organise la persécution de celles qu'il juge haram.
Du côté de la mise en scène, il y a un savoir-faire indéniable, avec notamment le plan d'ouverture où on compte les hématomes sur la peau de cette jeune fille, à l'évidence violemment battue, sans qu'un mot de trop soit ajouté. Et côté interprétation, celle de Lubna Azabal est, comme souvent, réellement impressionnante, c'est une actrice de tout premier plan, ici elle donne à voir toute l'étendue de son talent.
Cependant, il me semble que c'est au niveau du scénario qu'il y a des maladresses. D'abord une méconnaissance des techniques élémentaires de l'enseignement, la façon d'organiser la parole au cours d'un débat, ou le simple fait d'étudier un texte, il est évident que le réalisateur ne connaît rien à ces pratiques. Il aurait fallu engager un consultant, ça n'aurait pas coûté si cher, et le film aurait été plus crédible. Ensuite, certaines scènes n'ont pas de sens, et me semblent inutiles. Quand on voit Monia et sa copine sortir le soir, elles attendent leur chauffeur, on pense que quelque chose va se produire, et puis rien. A quoi sert cette scène? D'autres scènes sont trop longues, voire répétitives, certaines sont peu crédibles, celles sur le harcèlement, ça va vraiment très loin, au point de sembler exagéré. Le principe de la caméra à l'épaule peut être lassant aussi, à la longue.
Et puis je n'ai pas trop aimé la fin, qui m'a semblé un peu jusqu'au boutiste. Je ne vois pas du tout un adolescent commettre un geste aussi violent que celui montré, ça ne tient pas debout pour moi.
Bref, toutes ces petites approximations m'empêchent de mettre une meilleure note à ce film pourtant courageux et intéressant. On peut trouver cela caricatural, moi j'ai aimé le fait de ne pas prendre de gants, et de nous asséner un point de vue sans concession. Au moins ce n'est pas hypocrite ni consensuel.
Le réalisateur étant d'origine marocaine, on évite les accusations débiles de racisme dont a été victime "Pas de vagues", je n'ose imaginer les torrents d'insultes si le réalisateur s'était appelé Jean-Paul Bertrand...