Commençons par une digression.
Par ce que je suis un connard sans éducation.
La Ligue des gentlemen extraordinaire c'est d'abord un mauvais film vu dans ma jeunesse, où une fois de plus Sean Connery nous démontre que la sénilité est un fléau source d'une tristesse innommable pour les vieux acteurs. C'est un film médiocre, mal filmé, sous-joué, dont l'intrigue n'a pas grand intérêt mais dont le principe de base est assez fantastique en voulant mêler, dans une Angleterre plus vraiment victorienne mais créant l'idée steampunk, un ensemble de personnages emblématiques de la littérature à la solde de la couronne britannique.
Sauf que par la suite, quand tu apprends finalement que c'est même pas une idée originale et que le film est une adaptation tu commences à avoir un regard un tant soit peu dégouté. Puis tu apprends que le roman graphique dont c'est l'adaptation est une création de Moore et là on commence à quitter la digression et à tendre l'oreille, par ce que Moore, Alan de son prénom, c'est censé vous éveiller, c'est censé faire dresser vos poils et faire courir un frisson d'excitation dans votre colonne vertébrale.
Alors là je demande à certains de m'exc, il faut que j'introduise le bonhomme pour ceux qui n'ont pas eu le bonheur de se faire un portrait robot : c'est une figure emblématique de la bande dessinée, un fou dangereux, dans ses autres oeuvres célèbres on compte notamment Watchmen, From Hell, V pour Vendetta. Et à chaque fois il faut se dire que c'est cynique, violent, misanthrope au possible. Et c'est bien fait, bordel qu'est-ce que c'est bien fait.
Bien, donc La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, j'avais donc fort envie de m'y jeter depuis un bon moment, pour réparer l'affront, mais en même temps j'avais des doutes, je me disais que ça devait être assez plat pour que le film soit aussi mauvais.
J'avais tort. Au Dieu que j'avais tort.
Et c'est fourbe car ça commence lentement, le format très épisodique du truc fait qu'on termine presque toujours sur un cliff-hanger plus ou moins foireux au début de la chose.
Puis les personnages se dessinent de plus en plus précisément, ils gagnent en chair, les enjeux montent et déjà tu commences la deuxième grande partie et tu te rends comptes que tu avais arrêté de respirer (ne faites pas ça chez vous, ce n'est pas recommandé). Tu reprends donc rapidement ton souffle et tu replonges.
C'est du charisme, du chimérique, des influences qui viennent de multiples univers qui coexistent merveilleusement bien le tout sur fond de folie où l'homme comme toujours est un sacré déchet pleurnichard et froussard. Et tu as nos gentlemen qui surnagent dans ce merdier d'un autre âge, des gentlemen qui ne pourraient exister nul part ailleurs.
Les dernières pages se tournent et tu te surprends à avoir une larme à l'oeil, les sourcils froncés et la conviction que bordel, on mérite pas les sacrifices fait pour nous. C'est comme refermer les confessions d'un agent secret qui aurait fait partie de votre famille, il aurait fait des trucs politiques, sauver le monde et violer sa cousine. En même temps.
Je suis peut-être un peu trop excessif.
Mais en tout cas c'est merveilleux comme bouquin.
Et donc l'étron filmique, oublier le, oublier son existence.
Même nous, on ne mérite pas ça.