Asterios Polyp est un gros con.
Car Asterios est un architecte de renom, brillant, plusieurs fois récompensé, et enseignant iré à l'université d'Ithaca. Et qu'Asterios a toujours raison, même quand il a tord.
On connait tous une personne comme Asterios Polyp : très cultivée, parlant avec une grande aisance sur tous les sujets, avec un goût particulier pour ce qui choque, attirant et captivant l'attention de la foule, aussi bien par ses mots que par son attitude assurée et charismatique.
Jusque là pas de problème.
L'ennui c'est qu'à la longue, les personnes comme Asterios sont difficilement ables : vivre avec elles, c'est comme vivre à l'ombre constante d'une personnalité nombriliste et dévorante. Evidemment Asterios est capable d'aimer, et même aimer ionnément Hana, la fleur de sa vie, artiste sensible qui apporte des formes adoucies à sa vie réglée et intransigeante. Mais la distance qu'Asterios impose à tout et tous n'est pas un simple snobisme ; il y a quelque chose de cassé chez cet homme, que le lecteur sera amené à découvrir doucement.
Preuve s'il en est besoin : aucun des plans géniaux de ce célèbre architecte n'a jamais été construit...
C'est un voyage qui se fait au fil de couleurs pastels et d'un dessin au style très singulier, et très subtil : David Mazzucchelli sait jouer de son trait suivant les émotions de son héros et la nature des relations qu'il lie ou déchire autour de lui. Sans misérabilisme ni arrogance, l'auteur prend son lecteur par la main pour faire le tour d'une vie et d'un pays, de ses exploits à ses désespoirs en ant par le chaos et les accalmies. Les rencontres sont inoubliables, honnêtes et humaines ; à Asterios d'apprendre à accepter l'autre pour se (re)construire.
Un age en particulier me semble bien illustrer la simplicité du message de Mazzucchelli, et son talent à représenter les moments tendres de la vie : les images accolées et silencieuses d'Hana qui s'habille, se mouche, rit, tousse, dort, pleure, crée... au fil des années, résumé d'un couple aussi fusionnel qu'ordinaire, dans les souvenirs qu'en garde Asterios. Il suffit de cela pour tout comprendre.
A lire absolument, pour la beauté du dessin, pour les idées graphiques, pour une très belle histoire, pour un personnage unique, et pour se comprendre : même les gros cons ont - parfois - besoin de se trouver eux-mêmes.