Sans y regarder de très près, on pourrait avoir l'impression d'avoir devant nous l'adaptation en bande dessinée d'un roman de Paul Auster. Le sujet, un architecte renommé en dépression change de vie après l'incendie de son appartement ressemble à s'y méprendre à certaines histoires de l'écrivain new yorkais. De même, le personnage principal et certains éléments narratifs pourraient tout à fait venir de l'un des romans d'Auster.
Cependant. Si cette bande dessinée fera date, c'est par l'utilisation que l'auteur fait du langage de la bande dessinée. Une alchimie subtile entre le dessin, la parole, la case, la couleur et le phylactère opère, pour donner à l'histoire un relief totalement inédit. Au contraire de la majorité des bandes dessinées, les relations entre les personnages ne se lisent pas, elles se comprennent.
Prenez n'importe quelle bande dessinée sur votre étagère. Il y a 99 chances sur 100 que vous puissiez imaginer sans peine son adaptation en film, en série (animée ou pas) ou en roman. Bien sur, on y perdrait un peu, mais l'adaptation permettrait d'en retranscrire l'essence. Asterios Polyp fait partie (avec Jimmy Corrigan) de ces bandes dessinées qui ne peuvent pas être adaptées. Comment représenter les changements graphiques dans un roman ? Comment arriver à capter les relations subtiles entre les personnages avec un écran de cinéma ?
Asterios Polyp, quoique vous en pensiez, prouve que la bande dessinée est un art à part entière. Par ses expérimentations originales, et pourtant intuitives et évidentes, qui ne gênent jamais la compréhension de l'histoire, David Mazzucchelli nous montre ce que peut vraiment être la bande dessinée. Un art qui ne cherche ni à singer le cinéma, ni à complexer devant la littérature.