Mother
8.4
Mother

Drama tvN (2018)

Etre mère ou le devenir

Mother est un drame psychologique qui va déferler comme une lame de fond si on ne prend pas garde à se blinder émotionnellement parlant, car il est très dur à regarder, en tout cas, en ce qui me concerne. Alors comme je ne suis pas sociologue, ni non plus un expert en pédopsychiatrie, je ne vais pas m'avancer en expert des relations mère/enfant. Je vais me contenter de juger la proposition édictée par le drama. "Mother" est une transposition de la version originale japonaise de 2010 de Yuji Sakamoto, qui était cependant plus étoffé. Une version thaïlandaise a aussi vu le jour en 2020. Mother est certes la rencontre fusionnelle d'une femme avec une enfant, mais c'est aussi une histoire de portraits relatifs sur des mères diverses, avec leur propre histoire, et sur les relations qu'elles entretiennent avec leurs enfants naturels ou adoptés. A moins d'être totalement insensible, vous allez pleurer mais aussi rager à plusieurs moments.


Soo-Jin(Lee Bo-Young), ornithologue de formation, est momentanément enseignante à l'école primaire où la jeune Hye-Na(Heo Yool) est scolarisée. Elle remarque rapidement que la petite est maltraitée et violentée depuis longtemps par sa mère, mais surtout par le compagnon de celle-ci. Une alchimie émotionnelle va s'opérer en quelques semaines entre la fillette et Soo-Jin, se transmettant mutuellement une sorte de trop plein d'amour qui sommeillait dans chacune d'entre elles, mais qu'elles n'avaient jamais pu ou voulu exprimer. Un soir, en ant devant la maisonnette de Hye-Na, Soo-Jin découvre une scène d'horreur et lui sauve la vie in extremis. Sans réfléchir, elle enlève l'enfant dans le seul but de la protéger de ses bourreaux, et entreprend un voyage périlleux qu'elle pense terminer par un exil.


Mother est un récit à la fois poignant et touchant, qui fait aussi très mal, certaines scènes étant à la limite du soutenable. Plusieurs thèmes comme l'abandon, la maltraitance, l’adoption et la pression sociale qui en découle vont être évoqués. Attention, ce n’est pas une intrigue purement sociétale, c'est avant tout un drame social et psychologique qui va parler de femmes diverses, devenues mères par envie, par accident ou qui n'ont pas pu enfanter. C'est une œuvre qui va décrire le récit de toutes sortes de mamans quelque soit leur âge, leur origine, leur statut social et marital. Ce drama va avant tout nous imposer l'idée essentielle que devenir une maman n’est non seulement pas innée, mais que tout femme n’est pas faite pour le devenir. Et c'est un vrai sacerdoce pour en devenir une bonne. En tant qu' homme, il est forcément plus dur de donner un avis, mais plutôt un ressenti sur les messages que Mother a voulu faire er, sans porter de jugements de valeur hâtifs ou spéculatifs.


Sans er pour un rousseauiste, (J.J.Rousseau affirmait que l'Homme est naturellement bon, mais que c'est son environnent et les circonstances qui le pervertissent) , Mother va montrer ce que l'être humain à de meilleur en lui, malgré toutes les atrocités caractérisée par ce couple de monstres qui ferait er les "Thénardier" pour des enfants de cœur. En effet malgré toutes les horreurs subies par la petite (et les enfants en général), le drama véhicule de la bienveillance, de l'espoir et de la chaleur humaine. C'est un contre pied total à ce qui a pu se er dans les sociétés japonaises et coréennes jusqu'à une époque récente. Mother c'est une histoire de rencontres fortuites, atypiques ou au contraire de retour aux sources concernant la famille de Soo-Jin. mais c'est avant tout une histoire de femmes brisées par les épreuves de la vie, l'essentiel du casting principal étant féminin. On ne sombrera jamais dans le sentimentalisme ni le sensationnalisme de bas étage.


La première partie du drama peut s'apparenter à un espèce de road movie, de fuite en avant, où Soo-Jin va etre amenée avec Yoon Bok/Hye-na(Yoon bok étant le nouveau prénom choisie par la petite), à réaliser au gré des circonstances un voyage initiatique qui va la ramener tout d'abord à la source de sa propre enfance, douloureuse, puis malgré elle dans la maison familiale, où tous les secrets entre ses deux sœurs et sa mère malade vont voler en éclat. Le seconde partie ressemblera plutôt à un chemin de croix, où la résilience et l'introspection vont être les maitres mots pour toutes les femmes concernées. Mother c'est avant tout (sans spoiler), un chemin vers la libération de la parole sur des années de non dits, et sur l'explosion de tabous trop longtemps cachés ou effacés volontairement ou pas. Mais c'est surtout une réaffirmation de la sacralisation de l'enfant, et un regard porté sur une forme de réminiscence : l'enfant de hier deviendra l'adulte de demain et amènera naturellement avec lui son bagage traumatique.


Il y a de la profondeur dans l'histoire même si c'est en partie romancé et que certaines situations semblent téléphonées. Si le compagnon de la mère biologique de Yoon Bok interprétée par Son Suk-Ku(ce type a vraiment une gueule de psychopathe) vous donnera la nausée car il n'a plus rien d'un être humain, à la fin de l'histoire on finira par se réjouir de son sort (moi oui en tout cas), mais on lui trouvera des circonstances atténuantes. Par contre je n'ai rien trouvé à pardonner à la mère biologique, qui (j'enrage encore) s'en sortira à très bon compte à la fin, j'ai trouvé cela trop léger. Ah oui parlons-en du casting : il est tout simplement exceptionnel, Lee Bo-Young(Soo-Jin), Heo Yool(Hye-Na/Yoon Bok) et surtout Lee Hye-Young dans le rôle de la matriarche, véritable mère aimante envers sa progéniture, et qui aux portes de la mort est encore prête à tout sacrifier, sa fortune et les dernières forces qui lui restent. Et quelle force d'abnégation. C'est la femme qui m'a le plus ému. Une femme mère indépendante et célibataire, à la fois forte et fragile, qui fera preuve d'un niveau d'altruisme et de comion au delà de l'entendement. C'est la Femme avec un grand F et la Mère avec une grand M.


Je ne vous parlerai pas des liens de filiation qui unissent toutes les femmes de cette série, car vous vous vous doutez bien que il n'y a pas que des liens biologiques qui les relient entre elles. Il y a même des rebondissements inattendus qui viendront rabattre les cartes. Egalement, le drama n’a pas pour but de faire la leçon et porter des jugements de valeur, mais de faire des exposés de cas et d'en tirer les constatations qui s'imposent aux yeux de tous. Maltraitance, violence physique, torture morale, oui certaines séquences vont être parfois insoutenables et vous allez ressentir de la haine et de l'incompréhension, même si parfois la bête immonde se cache un animal blessé. Mais ce qu'il y a de fort dans Mother, c'est qu'on ne dresse pas un portrait robot de la femme/mère parfaite ou de son contraire. Je pense que le réalisateur a évité pas mal de stéréotypes de genre ou de style, ce qui n'était pas évident à faire.


Le rythme de la narration est lente, très structurée, et très explicative concernant le background des protagonistes. La réalisation très bonne et le récit très bien construit, quoique quelquefois maladroit avec quelques ficelles et raccourcis un peu faciles. La bande musicale saura appuyer le propos juste quand il le faut, sans exagération notable. Les émotions viennent naturellement. Le scenario comporte néanmoins quelques brèches qui m'empêcheront de mettre 10, parce que dès le 12éme épisode, on va faire trainer inutilement l'histoire. Il y a clairement 2 épisodes de trop, c'est vraiment dommage d' d'artifices pour remplir le cahier des charges du diffuseur. Il fallait se calquer sur la version japonaise. On va dire que le contenu va éclipser le contenant. J'ai trouvé le dénouement assez bon, quoique attendu, car après 15 épisodes très durs, qui ne sont principalement que souf, désillusion, drame, nuancés de quelques moments apaisés, il fallait bien finir sur une note d'espoir et sur un bol d'air, après des heures d'asphyxie émotionnelle.


Je n'ai pas voulu traiter ou évoquer les problèmes sociétaux relatifs au phénomène d'abandon et d'adoption en Corée ou au Japon, qui ne sont relatés que très succinctement dans Mother, notamment au travers du prisme de la mère biologique de Yoon Bok/Hye-na, et d'ailleurs ça serait faire du hors sujet. Ici le débat et la réflexion ne doivent porter que sur le statut de la femme et de la mère dans un pays où le problème de la dénatalité est une cause nationale. Contrairement à chez nous, le regroupement familial est interdit en Corée, et si on avait les mêmes lois chez nous que chez eux, notamment en ce qui concerne les prestations sociales notre taux de natalité serait similaire au leur.


Tout çà pour dire que le monde occidental (même si la Corée et le japon ont subi une occidentalisation de leurs sociétés) doit arrêter de donner des leçons aux autres. Depuis 2018, les lois ont largement évoluées en Corée dans le soucis de mieux protéger la mère et l'enfant. La discrimination à l'embauche pour toute femme mère célibataire est maintenant punie par la loi depuis 2023, et les adoptions vers l'étranger sont devenus très compliquées. Il y avait notamment un trafic d'adoption entre les Etats Unis et la Corée du Sud pratiquée sous la dictature notamment. C'était tout simplement de la marchandise qui a rapporté des milliards au régime. Si la plus grande diaspora coréenne avec près de 2 millions de personnes se trouve aux USA, ce n'est ainsi pas pour rien.


Oui ma critique fut longue (trop peut être), mais bon ce sujet m'a particulièrement intéressé et le drama m'a profondément touché et bouleversé, car pour moi un enfant est sacré et il doit être protégé de tout acte malveillant par n'importe quel moyen. En tant que homme, je ne peux pas me mettre dans la situation de toutes ces mères bonnes ou mauvaises, je ne suis juste qu'un simple observateur de leur situation. J'ai été pris aux tripes du début à la fin dans cette série où la notion du pardon et de l'acceptation de soit est au centre de tout. Mother restera une série mémorable sur plusieurs points de vue, notamment au niveau intensif et émotif, et dans lequel la chaine du traumatisme qui lie l'adulte à son é d'enfant sera enfin brisée.

A ceux qui ont encore leur maman, n'oubliez pas de leur dire que vous les aimer


Main Theme : Kim Yuna(김윤아)- To You

Pour aller plus loin : La Corée du Sud et avoir «exporté en masse» des enfants en vue de leur adoption /

Corée, au pays des enfants abandonnés

Corée du Sud: pourquoi autant d’enfants coréens ont-ils été adoptés à l’étranger?

9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes K-Dramas pour chialer seul ou en couple

Créée

il y a 6 jours

Modifiée

il y a 6 jours

Critique lue 12 fois

Critique lue 12 fois

D'autres avis sur Mother

Mother
10

On ne naît pas mère: on le devient.

En plus d’être une adaptation du drama japonais du même nom (que je n'ai pas encore vu), Mother est aussi la première drama écrit par Jung Seo-Kyoung qui est connue pour être co-scénariste de Park...

Par

le 14 sept. 2018

7 j'aime

5

Dear Mama

Sweet lady, place no one above you... Sweet lady, don't you know we love you... Merci Tupac pour cette intro fort à propos. C'est toujours sympa de commencer une critique sur une note...

le 11 févr. 2021

4 j'aime

3

Etre mère ou le devenir

Mother est un drame psychologique qui va déferler comme une lame de fond si on ne prend pas garde à se blinder émotionnellement parlant, car il est très dur à regarder, en tout cas, en ce qui me...

il y a 6 jours

Du même critique

Classique, mais très poignant et émouvant

Mr. Plankton est un superbe série tragique, et non pas dramatique.Le début est la fin, et la fin est le début. Vous comprendrez cette phrase dès les premières secondes de cette série.Lui : bébé...

le 10 nov. 2024

12 j'aime

Sous Prozac

La première fois j'ai du arrêter au bout du 4e épisode et j'avais mis 2. La seconde fois j'ai regardé en accéléré à partir du 8e épisode tellement j'en pouvais plus. Résultat identique pour moi:...

le 24 oct. 2024

12 j'aime

13

Strong man Yun Ga-Min

Un k-drama superbement transposé du webtoon qui porte le même nom, et qui se boit comme du lait, parce que c’est frais! Une mini série fast food de 10 épisodes format 40 min parce qu' on a pas de...

le 21 févr. 2025

9 j'aime

7