Vincent Chase est une star montante d’Hollywood que les studios commencent à s’arracher pour son talent bien sûr, mais surtout pour sa belle gueule. Plutôt que de prendre la grosse tête (et de se la prendre, tout naturellement), celui-ci préfère traîner avec ses trois amis d’enfance du Queens. Au programme : jeux vidéos, nanas bien roulées, bagnoles totale frime, soirées à gogo, glandouille autour de la piscine et fumage de ts en règle (tout un épisode de la saison 1 est ainsi concentré sur la recherche d’un peu d’herbe tandis qu’une pénurie sévie dans la ville). Entourage ne s’embarrasse d’aucune pincette ni d’aucune frilosité ; ces quatre énergumènes, ados attardés, branleurs professionnels profitant de la renommée et de l’argent facile, provoquent une franche hilarité et nous dévoilent l’envers du cinéma américain (les manigances, les susceptibilités, les majors…) par le biais d’une satire gentiment cynique, très tape à l’œil.
Mais Entourage ne fonctionne pas seulement par rapport à cette critique du milieu superficiel et branché d’Hollywood ; ce qui, en définitive, importe davantage est la dynamique relationnelle (voire matérielle) entre ces quatre zigotos, dynamique complexe, interdépendante et plus fragile qu’il n’y paraît, chacun profitant d’autrui ou s’arrangeant de la promiscuité de l’autre. Et si Eric, Turtle et Drama bénéficient largement du succès de Vince, sans qui ils ne seraient rien, Vince (finalement le personnage le moins intéressant du groupe) a tout de même besoin du regard, de l’approbation et du soutien moral (et logistique) de sa "famille" pour pouvoir se responsabiliser, avancer dans les aléas de sa carrière naissante (et incertaine).
Et il faudrait pouvoir écrire au moins une encyclopédie entière recensant toutes les répliques, toutes les scènes cultes d’Ari Gold, l’agent hystérique et disjoncté de Vince qui s’exprime comme on dézingue à la mitraillette et éructe trois millions d’insanités à la minute. Jeremy Piven se fait totalement plaisir dans ce rôle en or, faisant d’Ari le personnage le plus charismatique, le plus drôle et le plus essentiel de la série (et même de beaucoup d’autres, Gregory, Hank, Barney, Sheldon ou Chandler étant aimablement priés d’aller se rhabiller). Sa diatribe délirante (de presque une minute) contre sa femme et sa thérapeute, dans l’épisode 15 de la saison 3, et encensée un peu partout sur Internet, atteint au grand art, au génie comique.
Rythmée par une B.O. d’enfer (Muse, Beck, Mos Def, Jay-Z, Nada Surf, Stevie Wonder…), électrisée par des guest-stars en pagaille (dont Val Kilmer et James Woods, déchaînés), des dialogues enlevés et une interprétation irrésistible (Kevin Dillon et Jerry Ferrara, clones azimutés de Laurel et Hardy), Entourage ne se prend jamais complètement au sérieux ; ses signes extérieurs de richesse ne sont que les paravents accessoires et clichés d’une étude plus concrète sur une amitié immuable et sincère, conflictuelle et attachante.