David Lynch's Weather Report
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David Lynch's Weather Report

Émission Web (2020)

David Lynch, sélection de citations de Mad Movies n°390

La mort de David Lynch le 16 janvier 2025 aura été une terrible nouvelle, nous rappelant que si l’oeuvre, incroyable, formidable, mêlant différentes couches de réalité comme autant de fictions, restera avec nous, derrière le génial et fantasque cinéaste – mais pas que – il y avait un homme, soumis aux mêmes conditions biologiques que nous.


Chacun aura ainsi pu aller de son petit hommage, proposant petits messages attendrissants sur les réseaux sociaux, articles ou numéros spéciaux dans la presse, avec peut-être aussi un peu de cynisme. La mort d’un tel homme est aussi une opportunité de se mettre en avant et de (se) vendre.


Mad Movies, célèbre revue sur le cinéma de genre, ne pouvait pas ne pas tenter d’apporter sa pierre à l’édifice des hommages, et c’est ce qu’elle a fait avec son numéro 390 de février 2025.


Mais la revue menée par Fausto Fasulo n’y est pas allé de la rétrospective un peu facile de la carrière, ou n’a pas tenté d’apporter une réponse définitive aux multiples troubles questionnels laissés par certaines œuvres de Lynch, où les cinéphiles, les vrais, tentent d’imposer leurs analyses à ces spectateurs qui n’ont pas leur culture et leur capacité de réflexion. Haaa, les exégètes lynchiens, quelles drôles de bestioles.


La rédaction, un peu prise de court, sous le choc aussi, a préféré faire parler ceux qui l’ont côtoyé, ses collaborateurs, parmi lesquels Kyle MacLachlan, Eli Roth, Phil Tippett et quelques autres. Soit une vingtaine de pages d’entretiens, à la fois intéressants, mais aussi bien trop courts : le monde ne s’est pas arrêté avec la mort de David Lynch, il y avait aussi d’autres sujets à traiter pour le numéro.


(Mad Movies a depuis annoncé la parution d'un hors-série thématique sur David Lynch, qui y avait échappé jusque là )


Se dessinent dans ces pages le portrait d’un homme à la grande technicité, à la fois à l’aise avec ses capacités et toujours prêt à les renouveler mais aussi à l’écoute des autres, d’un caractère décalé et amusant, au flegme légendaire et pourtant capable de bien des surprises. Un être à la fois dans l’espace et le temps, mais aussi en décalage, sans aucune posture, comme une évidence naturelle pour lui, sans jamais se mettre à dos les proches et collaborateurs, malgré le poids de sa renommée.


Ceux qui me connaissent le savent, non seulement je dévore un grand nombre d’oeuvres culturelles mais aussi consulte de nombreuses revues thématiques. De ces lectures j'extrais beaucoup (trop) de citations, qu'elles soient amusantes, anecdotiques ou intéressantes, que je partage au sein de différentes listes thématiques régulièrement enrichies au fil des années, que ce soit sur la bande-dessinée.


Et en lisant certaines entrevues de ce numéro de Mad Movies, j’ai pris des notes, relevé quelques citations, avant de me rendre compte à l’évidence que je n’allais jamais avoir assez de place dans l’espace laissé aux commentaires d’oeuvres dans ces listes. Mince.


Alors je les propose ici, avant d’en extraire quelques bouts pour les incorporer dans les listes correspondantes, car elles me semblent importantes à découvrir, notamment pour mieux appréhender l’homme que fut David Lynch, ses interactions professionnelles ou personnelles, mais aussi différentes étapes de sa carrière au sujet de l’édition en DVD ou de son investissement dans l’internet. Saviez-vous qu’Eli Roth, avant de faire la carrière que l’on sait, avait été son assistant ? Il a tellement d’exemples et d’anecdotes à présenter que cet article mettra surtout en avant ses citations.


Ces citations n’ont aucunement vocation à dresser un portrait complet de l’artiste, dont la renommée est telle que de nombreux livres ou vidéos existent sur lui, bien plus complets. Ce sont des sélections personnelles, complètement arbitraires, mais qui me semblent révéler des points intéressants de la personnalité de David Lynch, des petites anecdotes qui en disent beaucoup. Ce n’est qu’une petite partie des entretiens présents dans ce Mad Movies et on peut retrouver le reste en se procurant le numéro en question, encore disponible à la vente.



Merci Mad Movies de continuer à exister, et de donner la parole à ceux qui font le cinéma de genre.

Merci à David Lynch de continuer à exister à travers ses films et les souvenirs qu’il a laissé de près ou de loin avec ses collaborateurs et bien sûr à son public.



Peter Deming, directeur de la photographie sur On the Air, Hotel Room, Lost Highway, Mulholland Drive et Twin Peaks : The Return


« Je me souviens particulièrement d’un plan [sur Mulholland Drive] où l’on croit être dans une cabine d’enregistrement. Lorsque la caméra recule, on découvre qu’on est dans un studio de cinéma, mais cette révélation était censée se produire au centre du cadre. Vu que les compositions favorisaient la gauche, un coin de la vitre de la cabine apparaissait avant l’autre, ce qui donnait un effet de déséquilibre. Ça m’a hanté pendant des années, et quand on a demandé à David [Lynch] de travailler sur le master DVD, je l’ai supplié de modifier ce plan. Il a refusé : il disait que le film ne nous appartenait plus et qu’on ne pouvait rien changer. Notre débat a repris au moment de la ressortie chez Criterion, et David m’a enfin autorisé à corriger cet unique plan, parce qu’on avait toujours prévu d’avoir une composition symétrique. »


« Ce qui est amusant, c’est que la série [Twin Peaks : The Return] n’était pas chapitrée – c’était juste un long scénario de 550 pages ! Impossible de savoir à l’avance ce qui serait inclus dans chaque épisode, et je pense que David [Lynch] l’ignorait jusqu’à la postproduction. On a tourné de façon non chronologique entre septembre 2015 et fin avril 2016. On pouvait faire quelques déductions en se fiant au numéro de chaque scène, mais il y en avait environ 200 sur une production normale… En lisant « scène n°560 », on se disait qu’on était sans doute vers la fin de l’histoire. Honnêtement, un script aussi long, vous n’allez pas le lire plus d’une fois. Ça demande des jours pour en voir le bout, donc seul David savait parfaitement de quoi il retournait, car il l’avait écrit lui-même. »


Source : entretien avec Peter Deming, directeur de la photographie, propos recueillis par Alexandre Poncet, « David Lynch (1946-2025), Mad Movies n°390, février 2025



Eli Roth, ancien assistant de David Lynch :


« J’ai annoncé à David [Lynch] que je pouvais mener les recherches dont il avait besoin [pour un projet de film sur Nikola Tesla], car ma carte d’étudiant me permettait d’accéder à toutes les archives et les bibliothèques du pays. […] Ce qui a débuté comme un petit boulot annexe est devenu une obsession, et je suis devenu un expert de Nikola Tesla ! J’ai même embarqué quelques camarades avec moi, mais on ne pouvait pas prononcer comme si de rien n’était le nom de David Lynch à la fac[Eli Roth faisait alors des études de cinéma]. On a donc commencé à l’appeler « Mr. X » entre nous à la cafétéria. Quand il a entendu ce surnom, David a éclaté de rire. « J’adore ! Mr. X! Et vous êtes la X-Team ! » Il nous envoyait des fax – que j’ai toujours chez moi – avec en titre : « Pour la X-Team ! ». »


« - A peu près à l’époque de Cabin Fever [le premier film d’Eli Roth], on a voulu transférer Eraserhead en DVD, mais David [Lynch] n’arrivait pas à retrouver le négatif original. On nous a donné accès à une vieille copie pour qu’on le restaure. J’avais un [ordinateur] Power Mac G4, et je l’ai donné à David pour qu’il puisse installer un poste de travail chez lui, juste pour nettoyer l’image d’Eraserhead.

- Image par image ?

- Absolument ! Ça a pris très longtemps. Il a engagé quelqu’un pour effacer les points et les cheveux disgracieux sur Photoshop ! La recherche des négatifs d’Eraserhead fut une aventure en soi. Je devrais en tirer un livre… David m’a lancé un jour : «  Il faut qu’on retrouve la séquence des pièces ! »Et moi de lui répondre : « De quoi parles-tu, exactement ? » « Il y a quelques années, mon ex-femme a jeté des boîtes qui contenaient les négatifs de cette scène coupée. »Mon frère et moi avons réussi à retrouver l’éboueur qui était chargé d’emporter les détritus ce jour-là, car David nous avait donné l’adresse, la date et l’heure exactes de l’incident. On a appelé ce gars-là, qui se souvenait très bien avoir embarqué cette boîte étrange, remplie de morceaux de pellicule. Il avait quand même toute jeté, mais l’époque, les déchets étaient juste enterrés quelque part. L’éboueur nous a donné le lieu, et on a appelé un spécialiste en garbologie (l’étude des déchets -NDR) qui bossait à l’université de l’Arizona. On lui a demandé : « Comment pourrait-on exhumer un paquet d’ordures datant de 1979 ou 1980 ? » « Il faut prendre une perche gigantesque, la plonger à 20 ou 30 mètres dans le sol et attraper des échantillons jusqu’à ce que vous trouviez un journal »a-t-il répondu. « Celui-ci vous donnera une date et un lieu, et vous pourrez ajuster votre recherche. » Avec David, on a envisagé de tourner un documentaire là-dessus, mais cette petite entreprise aurait coûté au moins 1,5 millions de dollars, ne serait-ce que pour retrouver les bobines. »


« - David Lynch vous a beaucoup soutenu pendant la réalisation de Cabin Fever.

- Oui, déjà en me donnait le meilleur conseil qu’on puisse donner à un jeune réalisateur : « Garde tes yeux sur le donut, pas sur le trou. Le donut, c’est l’information que tu enregistres à une cadence de 24 images par seconde, le trou, c’est le baratin, l’ego, la jalousie, les coups de couteaux dans le dos. Si tu t’y intéresses, tu tomberas dedans. » J’avoue l’avoir imploré de le créditer en tant que tant que producteur exécutif. Il aimait beaucoup le film, mais il m’a annoncé un jour qu’il n’était pas très à l’aise. C’était mon ouvrage, et avec son nom dessus, toute le monde ne parlerait que de lui. Il a donc été suffisamment généreux pour apparaître au générique dans un premier, pour en disparaître ensuite juste avant la sortie. Il a eu raison, car mon nom a été reconnu grâce à ça. »


« Juste avant Cabin Fever, j’ai aidé David [Lynch] à retrouver les négatifs de Twin Peaks. J’ai exploré des tas d’espaces de stockage, et je suis tombé sur une mine d’or. Ce qui est terrible, c’est qu’il ne voulait pas faite de bonus sur quoi que ce soit à l’époque. Il refusait en bloc. Mike Mulvihill, un producteur des éditions vidéo de New Line qui avait notamment travaillé sur Le Seigneur des Anneaux, a appelé David un jour pour lui dire que le titre qu’on lui demandait le plus en DVD était Twin Peaks: Fire Walk With Me. David a tout de suite répliqué : « D’accord, mais je ne veux aucun chapitre ! »J’ai dû lui expliquer que les gens aimaient avoir accès à un chapitrage : « Je n’en veux pas ! Je veux juste une option de calibrage colorimétrique au lancement, et ensuite les spectateurs devront regarder le film en entier ! » J’ai fini par mettre le disque de Bound (de Lana et Lilly Wachowki, 1996 – NDR) dans mon lecteur, et je suis allé directement au chapitre 4, c’est-à-dire la scène érotique lesbienne. Je lui ai lancé : « David, tu comprends maintenant pourquoi les chapitres sont importants ? » (Roth ree en mode imitation et mime une cigarette à la main) « Je vois ce que tu veux dire. Puis-je emprunter ce DVD, s’il te plaît ? » (éclat de rire). »


« Il a fallu insister pendant encore quelques années pour qu’il accepte de sortir Twin Peaks de façon raisonnable. Un jour, il m’a appelé pour m’annoncer qu’il allaient utiliser le master vidéo d’époque, et j’ai tout de suite réagi : « David, c’est Twin Peaks, c’est une œuvre qui a transcendé le médium ; il faut absolument le médium ; il faut absolument repartir des rushes 35 mn ! »Le problème, c’est qu’ils n’avaient jamais tiré de masters sous cette forme. Ils avaient tourné en pellicule mais avaient monté et étalonné en vidéo. Je lui ai proposé de rechercher les négatifs originaux pour qu’il puisse les étalonner. J’ai appelé le laboratoire, et ils avaient encore les rushes. On a tout scanné, et on pouvait voir le moindre cheveu sur la tête de Dale Cooper ! David était subjugué. Je me souviens qu’il était était formellement interdit de fumer dans le labo, mais ils ont fait une exception pour David, tellement ils l’adoraient. »


«- Vous avez participé au site DavidLynch.com au débit des années 2000.

- Oui, il m’a appelé un jour pour me dire qu’il voulait se lancer sur Internet. Le lendemain, chez lui, il m’exposait son plan : « Des lapins… On va filmer des lapins. Ça va être génial ! »J’ai é des étudiants de CalArts (le California Institute of Arts – NDR) et je leur ai demandé de fabriquer des masques et des costumes de lapins. En voyant le résultat, il a dit : « Super ! Maintenant, on va mettre Naomi Watts et Scott Coffey dans ces costumes, mais personne ne le saura. On va peindre des décors façon fifties et on va animer des ballons au premier plan. » Je me suis retrouvé à manipuler ces ballons, devant le patron de StudioCanal qui était de age en ville. Chaque jour, David avait une nouvelle idée ; on la filmait rapidement et on l’ait sur son site. Pour lui, c’était révolutionnaire, car il n’y avait ni interférence ni intermédiaire. Il a été assez visionnaire, car il est le premier à avoir mis en place un abonnement pour son site ; il ne voyait pas pourquoi les gens débourseraient 20 dollars par moi pour Aol, mais ne donneraient rien aux artistes. Aujourd’hui, avec des plates-formes comme OnlyFans, c’est monnaie courant, mais à l’époque, on l’a beaucoup critiqué, alors qu’il vraiment investi corps et âme dans ce projet. »


« A l’époque, Une histoire vraie avait été perçu comme une œuvre importante. David m’a aperçu un jour pour me dire que Marlon « Fucking » Brando adorait ce film. « Il l’adore, et il veut faire quelque chose sur Internet ! »s’est-il exclamé. « Imagine un peu : MarlonBrando.com et DavidLynch.com ; on fait un truc ensemble, on le publie et le monde entier le regarde ! » « OK, qu’est-ce que Brando veut faire, au juste ? » ai-je répondu. « Marlon veut qu’on film une tea party. C’est un Net-Thinker, Eli, et il est super doué avec Photoshop ! »(rires) A l’époque, Brando habite sur Mulholland Drive, mais la rencontre est sans cesse reportée. Une date est enfin calée. On l’attend dans la maison de Lost Highway, on entend sonner à la porte, j’ouvre et je me retrouve face à Don Corleone, entouré de deux ou trous femmes ! Brando demande à ce qu’on lui apporte une tomate et un jus de mangue. Il est assis à côté de moi dans le salon, il attrape la tomate et un petit couteau posé sur la table, et alors qu’il commence à parler, il épluche la tomate d’une seule main en la faisant tourner de façon surnaturelle. La peau de la tomate se décroche au de la lame, au rythme du pouce qui s’agite. Un truc impossible à faire ! Il se met à manger, et explique à David qu’il veut apparaître habillé en femme dans une tea party. Un enregistrement de cette conversation existe, car l’une des femmes qui l’accompagnent à appuyé sur un dictaphone en arrivant. Brando surenchérit : « Attention, il faut que mes seins soient très réalistes. »(Roth imite Lynch) « Bien sûr, mon pote! Eli pourra faire ça pour toi, aucun problème ! »Brando se tourne vers moi : « Peux-tu faire ça pour moi ? »Je réagis : « Marlon, voyons ! A quoi pourrais-je bien servir si je n’étais pas capable de te fabriquer des seins incroyablement réalistes ? Honnêtement, tu croiras avoir vraiment des sens ! »Brando ajoute : « Je veux aussi chanter en allemand », et tout un tas d’autres choses du même genre. En face, sa cigarette près de son visage, David n’arrête pas de ponctuer ses demandes. « Oui. Évidemment. Dacodac. Bien sûr, mon copain. On peut faire ça. Mazette (« Golly » en anglais – NDR) Ding Ding ! »

- C’est une scène d’un film de David Lynch !

- Oui, et je suis dans un de ses films, pour de vrai, mais Marlon Brando a désormais pris la place de David. David et moi ne sommes que des spectateurs ifs d’une des scènes les plus étranges de toute notre vie. Après l’avoir écouté, David a montré à Brando le studio de mixage où il comptait filmer la séquence, et ils ont accepté de tourner la semaine suivante. J’ai raccompagné Brando jusqu’à la porte, et avant de partir, ce dernier a jeté un œil aux peintures qui recouvraient les murs. Il m’a finalement regardé et m’a dit : « Ce Lynch est tout de même un type étrange ! »David a entendu ça, et quand la porte a claqué, on a tous les deux éclaté de rire ! Il m’a lancé : « Je n’ai rien compris de ce qu’il a dit ! J’ai acquiescé parce qu’en face de moi, il y avait Marlon Brando ! »Malheureusement, ce courts-métrage ne s’est jamais concrétisé. »


Source : entretien avec Eli Roth, ancien assistant de David Lynch puis réalisateur, propos recueillis par Alexandre Poncet, « David Lynch (1946-2025) », Mad Movies n°390, février 2025

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le 9 avr. 2025

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SimplySmackkk

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