"À QUI LE TOUR ?", FDJ, années 2000

Deuxième livre que je lis de cette autrice qui a été un vrai coup de coeur.


On peut connaître cette nana pour ses livres dits féministes et son écriture ciselée et directe. Dans Vernon Subutex - héros au nom de médicament contre le délirum tremens de l'héroïnomane - est un livre bien plus vaste dans les psychologies des personnes, dans ses ambitions ; de ce que j'aie pu lire et voir de sa part, que ses précédents bouquins.


Vernon est un ancien disquaire qui a fait faillite et se retrouve dans une situation financière très délicate. La personne qui lui permettait de vivre, star de la musique de variété, vient de se suicider, seulement quelques jours après leur dernière entrevue. Avant de partir, cet ami a enregistré ses mémoires, objet de convoitise de différentes charognes vénales parisiennes, tandis que Vernon s'enfonce petit à petit dans la misère la plus totale.


J'ai adoré ce livre. Premièrement, parce que les personnages présents sont des personnages que, quelque part, je connais (les Clém Rousseau et Tosca Rousseau, on y retrouver du JP et du Michael, c'en était poignant...).. Deuxièmement, parce Despentes tente, avec à mon sens beaucoup de réussite et de subtilité, de perspicacité, de donner à lire une sorte de de la variété de la faune parisienne. Evidemment, lorsqu'on ne connaît pas Paris, de près ou de loin, j'ai le sentiment que ce livre est difficile à apprécier.


Néanmoins, les médias "aidant" ; la vie politique , culturelle française étant (malheureusement), très médiatico-parisianno centrée, il est clair que ce livre n'est pas si fermé qu'on pourrait le supputer.


Mais mesurer l'intérêt de ce roman à l'aune de son "marché", de lecteurs et lectrices, serait terriblement réducteur. Despentes y aborde de nombreux sujets qui nous concernent toutes et tous, et je trouve qu'elle le fait avec brio. Certes, je ne pense pas que ça restera un roman "immortel", dans la mesure où c'est la photographie d'une époque, ée, révolue, et celle qui advient après le décès pour cause de mort cérébrale et commerciale de la précédente.


Néanmoins, ça reste une photographie - et quelle photographie ! - d'un monde en train de mourir vaguement tandis qu'un autre survient, comme dit.


Même pas sur les cendres du précédent - celles ci sont soufflées dans la toux d'un fumeur qui prend trop de Lucky Strike, ou d'une bourgeoise parisienne (ou d'un bourgeois) dérangé.e par l'odeur d'un clodo dans le métro parisien. Mais plutôt construit sur le vide d'une idéologie destructrice de société et créatrice d'atomisation.


Vernon Subutex est le roman d'une époque en voie de charonisation, le livre qui tente d'expliquer - parmi d'autres -ce qui peut faire vomir, interloquer, rêver, ébahir, ébaubir, chanceler, dans cette terre qui, selon Prévert, est quelquefois si jolie.


"Notre Père qui êtes aux cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris (3)
Qui valent bien celui de la Trinité
Avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son Océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Éparpillées
Émerveillées elles-mêmes d'être de telles merveilles
Et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Avec leur tortionnaires
Avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs reîtres (9)
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons."

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le 18 nov. 2019

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batche

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