Queneau publie en 1939 l'histoire d'un blessé de guerre désabusé.
La première guerre mondiale a été déclarée il y a quelques mois mais les gens sont optimistes : la capitulation de l'Allemagne est une question de semaines. Lehameau, lui, sait que la guerre va durer. Seul depuis la mort de sa femme 13 ans plus tôt, il occupe ses jours comme il peut en attendant la guérison de sa jambe et le retour au front.
Il flirte avec une anglaise, se prend d'amitié pour deux enfants rencontrés dans la rue, fait la connaissance d'un suisse comme lui germanophile, fréquente une librairie vide. Il est régulièrement invité à la table de son frère ainé et de sa femme qu'il séduit sans en avoir l'air.
Au fil des pages, on finit par deviner chez cet anti-héro au comportement souvent imprévisible (voir l'acmé en fin de roman), une souf jamais montrée mais d'autant plus touchante qu'elle est devinée par le lecteur, et donc comprise, à travers les paroles et gestes anodins du jeune homme.
Le rythme de la phrase nous fait déambuler comme Lehameau, prenant les événements les uns à la suite des autres, sans plan défini, mais avec le désir de les vivre vraiment et même d'alimenter les sentiments nés de rencontres fortuites. L'émotion et la subversion affleurent derrière l'apparente banalité des choses, comme l'écriture de Raymond Queneau qui, sous la forme de la simplicité, joue avec les mots avec une distance amusée dans ses inventions lexicales ou ses ajustements d'orthographe.
Jacques Roubaud mentionne ce roman dans sa sélection d'œuvres influentes en préambule du grand incendie de Londres ; et, au-delà du fait que Raymond Queneau ait introduit Jaques Roubaud à l'Oulipo, Un Rude Hiver partage effectivement des thèmes centraux avec le grand incendie de Londres : par exemple l'incendie fondateur, la mort de la jeune épouse, le désir d'Angleterre ou la défiance face à la situation de soldat.