Qu'il est beau, ce titre : Un bref instant de splendeur, qui rappelle d'ailleurs celui d'un merveilleux film d'Elia Kazan, Splendor in the Grass (La fièvre dans le sang, en VF). Partout, par la critique ou ses lecteurs, le roman d'Ocean Vuong a été célébré à juste titre pour son ruissellement poétique, dans un texte autobiographique (jusqu'à quel point ?). Très bien, l'auteur est doué, sans conteste, mais est-il permis de dire que l'on est pas nécessairement touché par le sort de ce garçon né d'un père américain et d'une mère vietnamienne et qui est très tôt confronté au racisme ordinaire ? Beaucoup d'autres thèmes sont présents dans ce livre volontairement "chaotique" qui fait fi de toute chronologie dans cette lettre que le narrateur adresse à sa mère analphabète. Ce n'est pas que l'on se perde dans les péripéties du récit mais Vuong s'est ingénié à mélanger les époques, les protagonistes, les moments dramatiques ou triviaux au gré de son inspiration. Sans oublier les changements de style, jusqu'à égrener des Je me souviens, à la manière de Perec (Georges, pas Marie-Jo). Si l'on n'est pas stricto sensu dans le domaine du roman doloriste, on n'en est quand même pas très loin entre homophobie, drogue et deuils successifs. C'est une affaire de sensibilité, dira t-on, concernant l'approche du roman par chacun. Certes, mais cela est vrai pour tous les ouvrages et il est important d'y trouver son bonheur également en matière de construction narrative. Celle d'Un bref instant de splendeur peut s'entendre par la forme épistolaire qu'est censé prendre le livre mais elle n'est pas convaincante car trop travaillé, au détriment de la sincérité. Mais ceci n'est évidemment qu'un modeste avis personnel qui va à l'encontre d'une majeure parti d'avis enthousiastes.