À partir de 1849, Lamartine est un homme déchu. En poésie, il est l'écrivain d'un autre âge ; son grand recueil date de 1820, il a sa place dans l'histoire de la poésie, mais pas dans le de présent. Après avoir dirigé la pendant trois mois suite à la révolution de février 1848, son score misérable à l'élection présidentielle met fin à sa carrière politique. Il se retire donc, et n'a plus que de dettes, contractées au jeu, aux voyages, aux ambitions ées.
Il commence donc une série de textes et de brochures pour se renflouer. Les deux premiers sont les plus connus : "Graziella" et "Raphaël", récits fortement inspirés de ses deux principales amours de jeunesse : Antoniella sur l'île d'Ischia, Julie autour du lac du Bourget. Ce sont deux récits courts et puissants, souvent considérés comme ses dernières grandes œuvres. (Il y a pourtant de très bons ages dans le "Cours familier de littérature", mais l'aspect interminable et mercantile de l'oeuvre a empêché les lecteurs de s'y frotter.)
"Raphaël" nous offre le romantisme le plus chimiquement pur : paysages états d'âme, récit de tempête, amour au premier regard, amour rendu impossible par la maladie de Julie, le tout purement chaste et spirituel. Narrateur pauvre et incompris : ses poèmes sont refusés par éditeurs car trop nouveaux. Une scène au balcon, des pleurs continuels.
Le tour de force, ce qui fait que je recommande ce livre, est le phénomène suivant : malgré la présence de tous les clichés romantique, c'est tout de même un récit prenant et puissant. L'expérience est digne de ce nom. La construction est d'un intérêt certain, en épanadiplose (le récit se termine sur les bords du lac du Bourget, où il avait commencé). On y trouve aussi des réflexions sur la vie intellectuelle du début de la Restauration, notamment la question religieuse : Raphaël est croyant, Julie non.
Lamartine est finalement un excellent prosateur. Sa méthode descriptive sera reprise durant tout le long XIXe siècle, jusqu'à Proust. Parfois on laisse simplement porter par la phrase. C'est un plaisir.