Après le roman noir, le polar historique et le western, Michaël Mention s’attaque au roman apocalyptique avec une histoire sanglante de pandémie et de confinement prétexte à une critique sociale.
Dans un futur proche, un virus très ancien réactivé par une catastrophe naturelle déferle sur l’Europe en transformant les personnes infectées en zombies cannibales. Les gouvernements ayant décrété le confinement le plus strict, Matt, son épouse et leur jeune fils se retrouvent coincés avec les habitants de leur immeuble parisien dans un huis clos évoquant notre expérience de 2020 démultipliée à l’extrême. La solidarité fonctionne un temps, mais la tension croissante, alors que les tentatives d’intrusion de zombies et les nouvelles contradictoires propagées par les chaînes d’information continue et par les réseaux sociaux exacerbent l’angoisse jusqu’à l’inable, finit par corrompre à ce point les relations au sein de ce microcosme que de nouveaux dangers, cette fois tout intérieurs à l’immeuble, achèvent de faire exploser le semblant de sécurité construit par ses habitants.
Lancé dès la scène-choc introductive, le rythme va crescendo dans un enchaînement de péripéties qui n’a rien à envier aux films les plus efficaces du genre. Pour autant, ce n’est pas l’angoisse qui prend le dessus chez le lecteur, comme tenu à distance par l’ironie et l’humour noir qui imprègnent le récit. Pendant que sévit à l’extérieur une folie furieuse perçue aux travers des incertitudes entretenues par les dérives des réseaux d’information, l’on fait la connaissance des personnages à l’intérieur de l’immeuble, l’on visite leur psychologie pour s’apercevoir qu’au bout du compte, nul n’est besoin d’un virus pour faire de l’homme un animal dangereux. Entre radicalisation des façons de penser et haine de l’autre, la société toute entière s’est faite amadou prêt à s’enflammer sans réfléchir à la première étincelle un peu conséquente. Le cannibalisme n’est certes pas la seule façon de s’entre-dévorer…
Assez efficace pour une lecture agréable, le livre pourra sembler manquer à la fois de puissance dans l’angoisse – sans comparaison sur ce plan avec un modèle du genre : Le chant du prophète de Paul Lynch – et de profondeur dans la vision somme toute assez sommaire qu’il propose des travers de la société contemporaine. Reste une narration maîtrisée au rythme prenant et à l’ironie grinçante, pour une parabole tournant en dérision jusque dans son titre les valeurs défaillantes d’une société plus très sûre de sa boussole.
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