Se résigner à être démodé
Cette conférence de 1882 est d'un telle actualité !
Lire ce court texte est essentiel à toute entreprise de compréhension des discours politiques sur la question de la race, de la nation et de l'intégration en . Dans la droite lignée des penseurs révolutionnaires, Renan estime que la plus grave erreur commise par les intellectuels de son époque (mais de la nôtre aussi, bien souvent...) est de confondre la race et la nation, d'ethniciser les formations nationales.
Rappelant qu'il n'existe pas de race pure et que l'histoire de débutant à "nos ancêtres les Gaulois" n'est qu'une reconstruction anachronique et rhétorique, l'historien défend une idée de la nation comme projet politique, et non comme communauté ethnique, linguistique ou religieuse.
Ceux qui opposent bien souvent la nation ethnique allemande (Herder) et la nation politique française (Renan) sont battus en brêche par une formule simple : « La est celtique, ibérique, germanique. L'Allemagne est germanique, celtique et slave ». Se targuer d'une origine nationale ethnique, c'est se reposer sur une chimère.
Surtout, en définissant la nation comme projet politique et principe spirituel, l'auteur insiste sur sa fragilité : c'est une croyance. Elle est en ce sens, « l'aboutissant d'un long é d'efforts, de sacrifices et de dévouements » et suppose une solidarité.
A l'heure où les débats sur l'identité nationale et l'intégration font rage et rivalisent d'ignominies, la lecture de ces quelques pages est utile. Vues comme démodées, ces réflexions sont pourtant incontournables car comme le soulignait avec un certain flair leur auteur : « Le moyen d'avoir raison dans l'avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé ».