Niels Lyhne
8.2
Niels Lyhne

livre de Jens Peter Jacobsen (1880)

De guerre lasse

Rilke n'a pas connu Sens Critique, n'empêche, lui aussi aimait bien conseiller des livres oubliés ou obscurs à ses fidèles éclairés. Et à lire les lignes élogieuses qu'il consacre, dans ses lettres à un jeune poète, à un certain Jens Peter Jacobsen, j'ai eu envie d'aller y voir de plus près. Bien m'en a pris !

"Niels Lyhne" raconte la vie brève d'un danois fin de siècle, un jeune idéaliste romantique par sa mère, progressiste par son père, désireux de se lancer dans la carrière littéraire, et qui n'arrive à rien. Une histoire simple, qui pourrait même donner lieu au plus ennuyeux des romans, si n'était le regard d'une justesse et d'une tendresse incroyables que Jacobsen porte sur ses personnages. Souvent les poètes sont un peu étourdis, les psychologues sont par trop précis, mais imaginez un peu quand le miracle se produit et que soudain un auteur parvient à mêler les deux natures en lui.

Ici chaque phrase, en plus de faire preuve d'une intelligence acérée sur la nature humaine, semble extraite d'un long poème en prose, tant les images sont belles, les comparaisons émouvantes, les métaphores sensibles. Avec une grâce rare, Jacobsen peint le portrait d'un homme repu de rêve et qui ne connait que la déception, d'une génération qui à force d'idéal e à côté de la vie, d'une humanité qui voudrait jouer au Grand mais n'est qu'un enfant abandonné et fragile. Douces et banales tragédies. En attendant que les choses changent, semble soupirer Jacobsen, faisons de notre malheur une chance, et profitons de la fugacité des choses, puisque la beauté n'est belle que de ne pouvoir durer.
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Péquin express

Créée

le 22 août 2011

Modifiée

le 20 juil. 2012

Critique lue 1.7K fois

46 j'aime

19 commentaires

Chaiev

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

46
19

D'autres avis sur Niels Lyhne

Encore (r)athée

"Pour d'autres (hommes) encore, la douleur est ressentie comme une violence dont ils sont les victimes, une chose barbare que jamais ils ne peuvent ettre comme une épreuve, un châtiment ou même...

Par

le 14 nov. 2013

7 j'aime

Une fable douce-amère sur les dangers du rêve éveillé...

Voilà un bien beau livre qui ne présente guère une vision souriante de la vie mais vous touche par son portrait désabusé d'un rêveur déçu. Sans être le "madame Bovary" de la péninsule nordique, le...

Par

le 3 sept. 2019

4 j'aime

Critique de Niels Lyhne par Rubedo

Entre autre : "- Que c'est bizarre de se regretter ! - dit-elle, abandonnant lentement sa rêverie et revenant à lui du regard. - Moi, je me regrette souvent, je me regrette telle que j'étais jeune...

Par

le 29 oct. 2018

1 j'aime

Du même critique

Mensonges d'une nuit d'été

Curieusement, ça n'a jamais été la coexistence de toutes ces versions différentes d'un même crime qui m'a toujours frappé dans Rashomon (finalement beaucoup moins troublante que les ambiguïtés des...

Par

le 24 janv. 2011

290 j'aime

24

The Grand Budapest Hotel
10

Le coup de grâce

Si la vie était bien faite, Wes Anderson se ferait écraser demain par un bus. Ou bien recevrait sur le crâne une bûche tombée d’on ne sait où qui lui ferait perdre à la fois la mémoire et l’envie de...

Par

le 27 févr. 2014

271 j'aime

36

Une saison en enfer

Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu...

Par

le 9 mars 2013

245 j'aime

74