Lucien Leuwen
7.5
Lucien Leuwen

livre de Stendhal (1834)

La vie devant soi

Lucien Leuwen est un roman inachevé de Stendhal sur la monarchie de Juillet. Il ne l'a jamais terminé et le livre ne fut publié qu'en 1894 car Stendhal redoutait des difficultés avec le régime. C'est dire qu'en effet il ne ménage pas la monarchie louis-philipparde, son pouvoir corrompu, sa bureaucratie inefficace et une déchirée.
L'histoire commence à Paris par le renvoi de Lucien, fils d'un riche banquier, de l'école Polytechnique car il a bravé une interdiction de sortie pour participer à une rencontre républicaine. Grâce à ses relations familiales il est nommé sous-lieutenant à Nancy où commence une vie fade et ennuyeuse, au sein d'une micro-société locale dominée par une aristocratie de province ultra et suspicieuse des moindres agissements de supposés républicains. Lucien s'éprend d'une riche veuve aristocrate, Mme de Chasteller, à laquelle une relation platonique et ionnelle va l'attacher pendant de nombreux mois. Victime d'une manipulation des ultras qui lui font croire à la dépravation de Mme de Chasteller, Lucien retourne à Paris, où grâce à son père il est nommé secrétaire du ministre de l'Intérieur. Il arrive métamorphosé par cette épreuve et son expérience nancéienne, par la ion inassouvie et la déception amoureuse. Cette partie est probablement la plus brillante du roman car elle décrit avec acuité et cruauté les sphères vérolées du pouvoir de Louis-Philippe. Lucien est missionné par le ministre de l'Intérieur pour truquer deux élections à Blois et à Caen. La médiocrité des préfets qui n'ont aucun sens du bien public, une vraiment déchirée et violente ainsi que les intrigues du gouvernement, sont la cible de l'extraordinaire verve de Stendhal qui avec la précision et le caractère percutant de son style brosse un tableau peu flatteur de la société de l'époque. Le roman s'arrête au moment de la mort du père de Lucien qui laisse une situation de quasi-banqueroute à son fils, qui en profite pour se faire nommer secrétaire d'ambassade à Madrid, que Stendhal nomme "Capel". Ce qui aurait laissé présager une dernière partie, que Stendhal n'a pas achevée, sous l'influence de l'ardent et sensuel tempérament espagnol, fait peut-être de ion amoureuse d'une nature différente que celle de Nancy...


Le roman est certes inabouti et inégal, mais c'est tout de même du grand art. Ce qui frappe le plus, c'est la qualité d'écriture de Stendhal, nerveuse et précise, alliée à un sens de l'ironie et de la satire qui suscitent un intense bonheur de lecture. C'est un roman d'apprentissage, certes très amer et nous ne sommes pas dans la chasse au bonheur comme dans la Chartreuse de Parme. La tonalité désenchantée du livre et son aspect plus traditionnel ne lui confère pas la même originalité et la même magie que la Chartreuse mais il demeure néanmoins une remarquable réussite littéraire dont l'inachèvement renforce notre frustration.

9
Écrit par

Créée

le 8 mai 2020

Critique lue 263 fois

1 j'aime

Zitto

Écrit par

Critique lue 263 fois

1

D'autres avis sur Lucien Leuwen

Critique de Lucien Leuwen

Au moment d’aborder le dernier chapitre de La Misère du monde, Bourdieu met en avant une citation de Flaubert : « Tout est intéressant pourvu qu’on le regarde assez longtemps ». Un tel propos serait...

Par

le 15 août 2015

1 j'aime

La mort des illusions

Lucien Leuwen, c'est un long roman sur la société pendant la monarchie de Juillet. Stendhal ne cache que très peu son mépris pour cette société monarchiste de l'apparence, de la dispute et des...

le 15 mai 2021

Du même critique

Navet royal

Que dire d'un tel navet indigent ? Un scénario tellement simpliste qu'on se demande si on a vraiment tout compris, et que peut-être des subtilités raffinées nous échappent, sûrement, mais on se rend...

Par

le 16 mai 2015

12 j'aime

4

Bercot, réalisme humaniste

L'auteure s'inscrit dans la lignée des Pialat, Dardenne et Kéchiche, pour ne citer que les plus récents, relevant d'une filiation esthétique pratiquement aussi ancienne que le cinéma, et qui vise à...

Par

le 13 mai 2015

11 j'aime

1

Critique de Un amour impossible par Zitto

Je ne suis pas spécialement fan d’Angot, même si je lui reconnais un univers et une façon de l’exprimer. Mais je dois dire que j’ai été totalement happé et bouleversé par Un amour impossible. Cette...

Par

le 31 août 2015

8 j'aime