C'est envoûtant et douloureux de lire cette série d'enquêtes d'Albert Londres, qui dépeint la situation des Juifs à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale... La plume est lyrique et le propos terriblement prophétique : on y suit différents archétypes de Juifs errant ou courbant l'échine en Europe Orientale, puis de Juifs émigrants vers leur Terre Promise, en Palestine.
Albert Londres montre irablement comment l'antisémitisme féroce de presque deux millénaires a forgé l'idéologie sioniste des Juifs persécutés. Comment cet antisémitisme systématique, implacable et monstrueux a déployé contre toute attente la ferveur de l'appartenance à l'"âme juive" pour ces millions de souffre-douleurs. En 1929, l'Europe des ghettos et des pogroms est repoussante. Que l'humanité est laide, à s'entretuer, persécuter et tourmenter la différence... De la Pologne aux Carpates, de Londres à Varsovie en ant par Tel Aviv, le journaliste dépeint des scènes pleines de vie et de misère, parfois à la limite du soutenable.
Le journalisme d'Albert Londres est éloquent et ne manque pas de lyrisme, il n'hésite pas à essentialiser l'identité juive et on pourrait le lui reprocher à la lumière d'un travail historique, mais c'est ce qui m'a paradoxalement énormément plu dans cet essai : l'impression de saisir l'identité juive dans toute sa ferveur et son espérance... avec une écriture lyrique qui n'a pas peur de s'exclamer, d'ébaucher des débuts de vérité et de questionner le lecteur. Inutile de dire que Le juif errant est un livre dramatiquement visionnaire sur le pire à venir...