Avec Ladivine, Marie Ndiaye signe un roman envoûtant, tout en retenue, où le style devient le véritable moteur du récit. Si je lui attribue un 8/10, c’est parce que cette œuvre m’a profondément impressionné par sa maîtrise littéraire, même si elle m’a parfois tenu à distance émotionnellement.
Ce qui frappe d’abord, c’est la langue : longue, sinueuse, presque hypnotique. Les phrases s’étirent, comme pour mieux épo les hésitations, les silences, les zones floues de l’âme. C’est un style fluide mais dense, qui exige du lecteur une attention constante, sans jamais sombrer dans l’hermétisme. Chaque mot semble pesé, chaque rythme pensé pour refléter le trouble intérieur des personnages. Cette écriture presque musicale donne au texte une dimension sensorielle rare.
Ndiaye explore avec finesse le refoulement, la honte et la transmission à travers l’histoire de Malinka, qui dissimule l’existence de sa mère, Ladivine. Le récit avance comme un murmure, souvent plus évocateur que frontal, ce qui peut parfois dérouter. Ce choix d’écriture — refus du spectaculaire, absence d’explication claire — est à la fois la force et la limite du roman. On ire, mais on peine parfois à s’attacher.
Mais c’est précisément cette discrétion maîtrisée, ce refus de l’évidence, qui donne à Ladivine sa profondeur. L’auteure laisse volontairement des zones d’ombre, comme pour rappeler que certains traumatismes sont indicibles, et que toute lumière a besoin d’obscurité pour briller.
En résumé, Ladivine est une œuvre subtile, exigeante, dont le style, à la fois lyrique et pudique, fait toute la singularité. C’est un roman à apprivoiser, qui ne se livre pas d’un coup, mais qui mérite pleinement le temps qu’on lui accorde.