Un roman court bien pensé et bien écrit, mais pas révolutionnaire.

La recherche génétique vient de mettre au point un procédé pour retirer le besoin de dormir aux êtres humains. Cette manipulation génétique est extrêmement chère et une centaine d’enfants seulement, à travers le monde, y accèdent. C’est le choix qu’a fait le milliardaire Roger Camden pour sa fille. Par coïncidence, un autre ovule de la mère est fertilisé, amenant donc à une naissance de deux jumelles, l’une n’ayant plus le besoin de dormir et l’autre normale. Les vies de ces deux êtres humains, si proches et pourtant si distants, vont être parsemées d’embûches.


L’une rêve, l’autre pas est un roman court (appelé novella dans le monde de l’édition anglo-saxon), qui constituera la première des quatre parties d’un roman portant le même nom et publié deux ans plus tard. Ce roman connaîtra même deux suites. Malheureusement, aucun de ces trois romans n’est encore publié en langue française, et nous n’avons dès lors que ce roman court à notre disposition.


Le thème principal n’est pas très original : un groupe d’enfants bénéficiant de capacités supérieures subissent la méfiance d’abord, puis l’hostilité et enfin la violence de la société effrayée par leur potentiel. On pense aux Enfants de Darwin, aux Slans de Van Vogt, aux Plus qu’humains de Theodore Sturgeon et à de multiples autres œuvres évoquant ce thème.


On trouvera cependant des accents nouveaux en se tournant vers le titre original : Beggars in Spain. On donnera certainement une pièce à un mendiant en Espagne. A six mendiants aussi. Mais à cent ? Le véritable thème du livre est en fait une réflexion sur l’existence ou non d’un contrat social liant les différentes parties de la société, de ses membres les plus géniaux et productifs jusqu’aux mendiants improductifs et inutiles. Comment concilier l’excellence et l’équité, tous les humains n’étant plus nés égaux ?


Le dénouement donne heureusement une direction un peu moins réactionnaire à la réflexion, qui n’est d’ailleurs que le reflet des personnages les plus radicaux de l’histoire. L’ensemble est un peu plus équilibré, les échanges sont intéressants et les personnages échappent en général à la caricature.


Bien sûr, les 130 pages ne permettent pas de donner de l’ampleur au récit, mais la construction est efficace, les dialogues et les situations ne manquent pas de finesse, et le style est très agréable.


L’une rêve, l’autre pas a reçu les prix Hugo et Nebula du meilleur roman court (novella) en 1992.


Nancy Kress : L’une rêve, l’autre pas – 1991


Originalité : 2/5. Clairement pas la principale qualité de ce roman.


Lisibilité : 4/5. Efficace et agréable.


Diversité : 3/5. Aucune longueur ni lassitude, même si ça serait malheureux dans un roman court.


Modernité : 3/5. Utiliser des éléments de SF pour mener des réflexions socio-politiques donne souvent un résultat intéressant.


Cohérence : 4/5. Le propos est bien maîtrisé, concis et direct.


Moyenne : 6.4/10.


A conseiller si vous avez envie d’une petite friandise bien ficelée.


https://olidupsite.wordpress.com/2020/03/21/lune-reve-lautre-pas-nancy-kress/

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le 9 mars 2022

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OliDup

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