Être ce qui n'est jamais tout à fait

" ... [E]t qu'enfin nous ne sommes nulle part en état de dresser un bilan objectif, ni de penser un progrès en soi, que c'est tout l'histoire humaine qui en un certain sens est stationnaire, quoi, dit l'entendement, comme Lamiel, n'est-ce que cela ? Le plus haut point de la raison est-il de constater ce glissement du sol sous nos pas, de nommer pompeusement interrogation un état de stupeur continuée, recherche un cheminement en cercle, Être ce qui n'est jamais tout à fait ?
Mais cette déception est celle du faux imaginaire, qui réclame une positivité qui comble exactement son vide. C'est le regret de n'être pas tout. Regret qui n'est pas même tout à fait fondé. Car si, en peinture, ni même ailleurs, nous ne pouvons établir une hiérarchie des civilisations ni parler de progrès, ce n'est pas que quelque destin nous retienne en arrière, c'est plutôt qu'en un sens, la première des peintures allait jusqu'au fond de l'avenir. Si nulle peinture n'achève la peinture, si même nulle oeuvre ne s'achève absolument, chaque création change, altère, éclaire, approfondit, confirme, exalte, recrée ou crée d'avance toutes les autres. Si les créations ne son pas un acquis, ce n'est pas seulement que, comme toutes choses, elles ent, c'est aussi qu'elles ont presque toute leur vie devant elles. "


(Merleau-Ponty, L'Oeil et l'Esprit, 1985, pp.91-22)

8
Écrit par

Créée

le 27 juil. 2021

Critique lue 68 fois

Flo Lec

Écrit par

Critique lue 68 fois

D'autres avis sur L'Œil et l'Esprit

Mosaïque

Un texte extrêmement bien écrit, d'autant plus puissant lorsque l'auteur se concentre moins sur ce dont s'il veut s'émanciper (aka la science positiviste issue de la pensée cartésienne) et qu'il se...

Par

le 11 juil. 2020

6 j'aime

7

L'Œil et l'Esprit, ou la Complexité du Réel dans l'Art

J'avoue sincèrement ne pas avoir compris (au moins de manière claire) tous ses propos, mais les réflexions qui en découlent nous poussent à nous interroger sur l'art, entre autres, avec la rumination...

Par

le 30 juil. 2021

2 j'aime

La perception des choses et de la peinture

Cet essai assez court, d'à peine cent page, évoque les modes de perception des choses et de la peinture, de la perspective, de l'illusion de profondeur, de la troisième dimension, voire du mouvement...

le 20 nov. 2019

1 j'aime

Du même critique

Tu me crois cinglé ?

« Tu me crois cinglé ? Ah mais c’est ça ? Tu me crois givré a mort ? Franck Poupart complètement schizonoïaque ! C’est ça que tu crois ! C’est ça que tu penses dans ta...

Par

le 5 juin 2020

2 j'aime

Quand les journalistes deviennent défenseurs des décideurs, courtisans des puissants appariteurs de

" En 1932, pour dénoncer le philosophe qui aimerait dissimuler sous un amas de grands concepts sa participation à l''actualité impure de son temps', Paul Nizan écrivit un petit essai, Les chiens de...

Par

le 11 juin 2021

1 j'aime

La personne qui se dévoile dans le gouffre ne se réclame d'aucune identité

" La personne qui se dévoile dans le gouffre ne se réclame d'aucune identité. Elle ne se réclame que de ça, d'être pareille. Pareille à celui qui lui répondra. À tous. C'est un déblaiement fabuleux...

Par

le 15 mars 2021

1 j'aime