L'Art de la joie par Nina in the rain
Ce petit pavé-là, ça fait un bout de temps qu'on m'en parle. La première je crois que ça a été Isabelle A., de la librairie du Bon Marché. Elle le mettait en permanence sur table et me disait toujours « tu devrais le lire, c'est un chef d'œuvre, tu devrais le lire ». Et moi « oui oui oui je vais le lire » mais en mon for intérieur je me disais « non, pas maintenant ». Quelles sont les raisons qui font qu'on n'a pas envie de lire un roman ? Pour celui-ci, deux raisons majeures, dont une honteuse. La première, c'est que j'avais vraiment l'impression d'avoir sous les yeux un précurseur de l'Art de la Simplicité et que franchement, le développement personnel, très peu pour moi. La deuxième, et je rougis rien que d'y penser, c'est que je trouvais qu'on ne pouvait pas s'appeler Goliarda. Ne me demandez pas en quoi ça m'empêchait de lire le roman, je ne suis pas capable de vous répondre. Et j'ai prévenu que c'était honteux. Mais bon, voilà, depuis le Bon Marché quatre ans ont é (enfin, trois, ou quatre, ça dépend d'où on se place bien sûr) et il a fallu l'intervention de Fabienne des Oiseaux Rares (oui, encore elle) pour que je me plonge enfin dedans. Elle a pris le taureau par les cornes et me l'a offert, ce qui reste une des meilleures façons de faire lire un roman. Et ça dit un petit quelque chose sur son fonds, puisqu'elle avait l'Art de la Joie, en grand format, en rayon. Prenez-en de la graine.
Bref, tout ça pour dire que je n'ai pas été déçue. Même si je n'ai pas aimé tous les ages, même si par moments ça m'a semblé long (je trouve qu'on sent qu'elle a é 10 ans à l'écrire) à mon sens c'est tout de même un très grand roman. Roman féministe peut-être, surtout écrit dans les années 60, roman intimiste et en même temps grande fresque familiale, L'Art de la Joie est difficile à définir. Modesta, son héroïne, va se hisser à la sueur de son front jusqu'à la place qu'elle voulait, afin de pouvoir mener la vie qu'elle voulait. Et ce roman, c'est surtout l'histoire de sa volonté, et de ce qu'elle va pouvoir achever en ne se laissant jamais faire, par qui que ce soit.
Certains âmes chagrines pourraient être légèrement choquées par les nombreuses scènes sexuelles, mais je vous rappelle qu'à l'époque de l'écriture du roman ce n'était pas seulement chic, c'était une véritable transgression. Amour physique, amour homosexuel, amour handicapé mais aussi amour maternel, amour filial, amitié... tout le texte tourne autour de l'amour, de comment il est dispensé, retiré, accordé. Et sans être jamais graveleuse, Sapienza dépeint toutes les sortes d'amour qu'elle accorde à son héroïne. Modesta aime, s'entiche, tombe amoureuse et ne se refuse jamais rien, c'est de fait une femme moderne dans l'Italie des années 30.
Ce roman très dense et parfois si léger n'est pas d'une lecture facile. Ce n'est pas un « page-turner » à la mode américaine, il faut pour le lire se poser au calme et se concentrer. Mais il en vaut cent fois la chandelle et je ne peux que le conseiller, pour une lecture de vacances ou pour un moment de plaisir.
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