Lorsqu’un matin, d’une oreille discrète, j’ai entendu la voix de Nicolas Demorand affirmer qu’il avait un trouble bipolaire et affirmait être un malade mental, j’ai été profondément émue. Lire son tout petit livre, aux révélations si intimes, fut pour moi comme une nécessité.
Il semble extrêmement urgent de considérer la maladie mentale comme un trouble avec des intensités différentes et des structures particulières et non comme une folie qui fait peur. La souf qu’éprouvent ces malades est incommensurable et n’a rien à voir avec d’autres maladies. La maladie psychique ne se soigne pas, elle se réduit, au mieux, par un cocktail de médicaments. Elle est toujours latente, toujours présente, prête à chaque variation du quotidien à éclore avec une intensité, à chaque fois désarmante.
Nicolas Demorand raconte son errance médicale, les moments d’exaltation aussi dangereux que ceux de dépression profonde. Il n’évite pas le souvenir des hospitalisations répétitives, ô combien traumatisant pour le malade mais aussi pour l’entourage. Son récit est la description de ce long et incessant égarement de la souf psychique.
Ce récit s’adresse à tous ceux touchés de près ou de plus loin par la maladie mentale, connotée négativement par l’histoire de sa prise en charge, de l’enfermement de Camille Claudel aux électrochocs d’Emmanuel Carrère en ant par l’oreille coupée de Vincent Van Gogh. Récit aussi pour tous ceux qui ont envie de comprendre cette souf, psychique aux retentissements physiques, qu’il est difficile d’appréhender si on ne la ressent pas ou si on n’a pas vu l’apparence se désagréger de celui ou celle qui la ressent.
Et puis, Nicolas Demorand a déjà gagné un énorme pari : Faire sauter la honte, le mensonge et la dissimulation qui entoure toute maladie mentale. Pouvoir enfin affirmer être touché(e) par la maladie mentale, ou son père, sa mère, son mari, sa femme, ou son enfant, sans avoir peur du jugement, de la comion ou de la peur. Le journaliste autorise, par sa révélation, à lever ce tabou. Que les personnes concernées puissent n’être plus dans la dissimulation et le mensonge est une avancée que seule une personnalité publique pouvait tenter.
Aussi, je remercie sincèrement Nicolas Demorand pour son courage et sa détermination dans le combat qu’il est en train de porter : Rendre visible les maladies invisibles. Sauvegarder l’identité des malades qui souffrent, dans le noir, sur leur canapé. Reconnaître que les malades mentaux sont des hommes et des femmes à part entière qui ont besoin de notre accompagnement empathique, doux et soutenant pour prendre leur place dans notre société. Ouvrir notre regard à leur souf et accepter leurs impossibilités, lorsqu’elles se présentent. Ce petit essai y aide grandement !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2025/04/07/nicolas-demorand-interieur-nuit/