Splendide essai historiographique de l'un des personnages les plus intrigants du moyen âge européen, le moine Opicinus de Canistris, secrétaire et enlumineur qui, de Padoue à Avignon, dessina le monde qu'il avait dans la tête.
Les amateurs du Nom de la Rose y retrouveront le plaisir périlleux de naviguer dans les eaux troubles de la scolastique en essayant de ne pas s'y noyer.
L'ouvrage lui-même est fort bien réalisé, avec un respect du matériau et de l'expérience de lecture qui fleure bon le siècle des Lumières. L'idée de la carte-jaquette en papier-pelure est une merveille de délicatesse, qui traduit en un objet matériel la tendresse avec laquelle l'auteur et son éditeur ont abordé leur sujet: un homme complexe et de son temps, qui tenta d'exprimer son art sans renier ses valeurs intimes, pour se perdre finalement dans les contradictions de sa condition humaine.
Car Opicinus, en précurseur réprimé de Hyeronimus Bosch, avait une imagination qui ne convenait pas aux valeurs de son temps mais qu'il n'a pas voulu étouffer. En cela, il fait partie des humains nés trop tôt. Le voilà rendu à une certaine vie, celle des livres.