Ainsi l'Animal et nous par Timothug

Superbe livre, qui vient interroger la notion d'animalité, apposée comme une marque d'infamie sur les animaux pour mieux les exploiter, avant d'être appliquée à d'autres humains, toujours pour justifier une domination, qu'elle soit raciale, sexiste ou classiste. Kaoutar Harchi montre très simplement que les violences matérielles et symboliques vont toujours de pairs, se nourrissant l'une et l'autre. Et que le travail de construction sociale qu'il a fallu mettre en place pour légitimer la violence des abattoirs peut ensuite être convoquée pour imposer l'exploitation, l'esclavage, les massacres, les génocides. Tout cela dans une écriture très orale, évidente, loin d'un style froid et universitaire, en allant travailler ses propres souvenirs d'humiliation, d'injustice, de violence, en allant chercher la chair, celle à qui on refuse l'empathie, la sensibilité, celle à qui on inflige les pires supplices sans sourciller, bien à l'abri dans la certitude de ne pas avoir affaire à une personne égale à soi. Un très beau texte à garder pour les moments de doute, comme une boussole pour ne pas oublier toutes les raisons de lutter.

Par hasard, j'ai lu ce livre en même temps que la dernière BD de Ines Léraud et Pierre Van Hove, "Champs de bataille" sur la politique de remembrement des terres agricoles imposées à la Bretagne au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Dans cette bd documentaire, ici aussi, on parle de comment les structures économiques viennent transformer les rapports d'empathie à soi, aux autres et au monde.