Festival de Cannes, Jour 8

Festival de Cannes, Jour 8

21 mai 2025 (Modifié le 13 mai 2025)

5 minutes

Epidémie, autruches, perte d'enfant, nazi en cavale et pluie battante : une sale journée.

Drama dans la presse : un collègue a été refoulé hier à la séance de 15h au Grand Théâtre Lumière parce qu'on lui a interdit l'accès avec sac à dos. Il a dû rebrousser chemin et se rendre à la consigne, à 10 minutes de marche, puis revenir pendant que la salle se remplissait. Personne ne nous a prévenu de ce subit changement de protocole. Outre la perte de temps à se rendre en consigne et s'imposer une file d'attente supplémentaire, cela dynamite les précieuses plages de travail sur ordinateur avant le début du film. Les lecteurs des années précédentes savent le rapport fusionnel que j'ai à mon sac, modèle ultime dénué de poches extérieures pour accélérer les contrôles de sécurité, et dans lequel j'ai planqué de quoi survire à 48h de projections simultanées. La panique me gagne. [Mise à jour de mi-journée : le service presse semble avoir tenu compte de nos réclamations et le protocole est annulé. Reste à juger in situ, parce que les connexions entre les différents services sont complexes dans une telle organisation.]


Je commence la journée sur un gros morceau, Die, My love hier, le film hurle à pleins poumons à quel point il veut être émouvant, et puise par pelletées dans les gimmicks les plus faciles (clips musicaux, ralentis, gros plans outrés, flous d'émotion...) pour raconter une histoire bateau, entièrement construite autour d'un twist en carton recyclé. Et comme le Ramsay, ça dure 130 minutes. Ben mince alors.


Sortie en salle le 20 août.



Quand je sors de la salle, Cannes se noie sous des trombes d'eau, ce qui rend la file d'attente suivante particulièrement pénible. J'étais ravi d'avoir pensé à mon parapluie, mais n'avais pas anticipé que dans une foule compacte, les parapluies des voisins se glissent sous le vôtre et vous déversent leur surplus dans le cou. Tout cela commence à ressembler à une journée pourrie.


Pas grave, on sèchera devant le film suivant, qui fait partie de ces projections qu'on va voir un peu à l'aveugle, en fonction des plages libres dans le planning. Aisha Can’t Fly Away de Morad Mostafa, en Un Certain Regard, va plutôt confirmer le mauvais karma de la journée. En toile de fond, les pires tics d'un premier film qui croit faire dans l'auteurisme en filmant chaque geste de sa protagoniste,(travelling sur un mouchoir jeté dans une poubelle par exemple), dilate inutilement les plans, répète les séquences à l'envi. Ajoutez toute la misère du monde (réfugiée soudanaise, racisme, violence, pauvreté, esclavage sexuel) et agrémentez de cannibalisme, de vomi, de plaies ouvertes et de séquences hallucinatoires.


Et une femme qui se transforme en autruche.


Et ça dure 2h03 (je tiens à la mention des 3 minutes supplémentaires, chaque seconde comptant pour la douleur de l'expérience).


Ben mince alors.


Affiche trompeuse, mais j'adorerais l'idée que les fans de DC se précipitent pour aller subir le film.


Je n'ai jamais réussi à avoir une place pour le film que j'avais calé par la suite (Eleanor the Great de Scarlett Johansson), la notoriété de la réalisatrice ayant sans doute contribué à son plébiscite. Ayant deux heures devant moi, j'y vois l'opportunité unique d'aller prendre mon premier repas qui ne se limiterait pas à des fruits mixés, mais la Croisette est sous une telle mousson que je renonce. Je la sens pas trop, cette journée.


J'étais censé enchaîner en GTL pour la projection du nouveau Panahi, mais craint qu'on me la fasse à l'envers sur cette histoire de sac, et au vu de la conspiration cosmique du jour, je préfère ne pas m'en remettre au concept du "avec un peu de chance ça va er". Et je fais bien, puisque j'apprendrai plus tard qu'en fonction du côté où on entrait, on refusait ou non votre sac. J'opte donc pour une autre film d'Un Certain Regard, Des Preuves d'amour, présenté il y a quelques jours à la Semaine de la Critique.



Comment finir en beauté une telle journée ? Avec des nazis, bien entendu. Après avoir présenté ses trois précédents films en Compétition, le cinéaste russe exilé Kirill Serebrennikov est relégué cette année à Cannes Première. Il y présente La Disparition de Josef Mengele, qui relate les années de planque du médecin d'Auschwitz, sinistre personnage connu pour avoir fait subir des expériences et tortures aux détenus. Le film, en noir et blanc, se déroule sur plusieurs temporalités simultanées, et ausculte principalement l'état d'esprit du nazisme après la défaite, de l'illusion du retour à la déchéance progressive. Le cinéaste renoue avec son style (longs plans séquence, dialogues collectifs) et construit une gradation infernale de l'éructation d'un homme vieillissant et ne faiblissant jamais dans son idéologie monstrueuse. August Diehl, que l'on avait déjà vu en victime des nazis dans Une vie cachée de Terrence Malick, donne tout de sa personne pour ce film éprouvant.


Un film qu'il y fait bon vivre


Au programme aujourd'hui : l'Italie en prison, l'Espagne en mémoire, un accident iranien, et une nouvelle incursion dans la diagonale du vide.


Sergent_Pepper

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