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Torrents de larmes, rapides en canoë et idoles des jeunes.
Sous un vent assez violent qui rend la mer très colorée, nous patientons devant le palais à 7h30 du matin, et j'ai droit à tout un tas de récits sur l'évolution du Festival par des festivaliers chevronnés qui viennent depuis 30 ans. J'apprends ainsi qu'il fut un temps, avant les attentats du 11 septembre, où les portiques de sécurité n'existaient pas, et tout le monde pouvait aller et venir dans le palais à sa guise. Pas de soucis avec son sac en cette époque révolue.
La présence d'Oliver Hermanus en Compétition avait un peu surpris au moment de l'annonce de la Sélection, cinéaste ayant récemment proposé un remake assez dispensable de Kurosawa avec Vivre en 2022. The History of Sound est un film d'un classicisme assumé, qui se veut une grande histoire d'amour impossible sur une longue période, des années 1917 à 1980. Paul Mescal nous rejoue la carte du charme de la romance gay qu'il avait déjà incarnée dans Sans jamais nous connaître l'année dernière, tout en retenue et en renoncements dans une longue métaphore liant le patrimoine des folk songs et l'invisibilité de l'amour. Ce n'est pas foncièrement original, il serait intelligent de couper, avant l'exploitation en salles, d'inutiles épilogues à rallonge, mais l'ensemble fonctionne plutôt bien, à la manière d'un Brokeback Mountain qui lorgnerait sans y parvenir vers la maitrise d'un film de James Ivory.
Dans l'eau, personne ne vous verra pleurer
On a toujours, malgré nous, quelques échos des séances précédentes lorsqu'on voit les films le lendemain. J'apprends ainsi que le film de Joachim Trier, l'une de mes plus grandes attentes après le très beau Julie en 12 chapitres en 2021, a reçu hier soir une standing ovation de 19 minutes. Depuis quelques années, certains médias se sont spécialisés dans le minutage des applaudissements, y voyant sans doute un moyen facile de parler de la réception du film sans avoir à produire de critique. On en arrive à cette inflation stérile des durées, et à qui tiendra le plus longtemps debout en frappant des mains. Curieux. Valeur sentimentale est un pur film de Trier, mélo réflexif sur les pouvoirs de la fiction, la lourdeur des non-dits et l'importance des liens familiaux : il est en somme le jumeau norvégien de Romeria, présenté hier en Compétition. Les actrices sont incroyables, avec une mention spéciale pour la révélation Inga Ibsdotter Lilleaas qui forme avec Renate Reisve (prix d'interprétation à Cannes pour Julie en 12 chapitres) un duo de sœurs d'une intensité remarquable. Le film pourrait avoir sa place au palmarès, ce qui commence à devenir problématique : ces derniers jours ne cessent de révéler des candidats très crédibles, et ça commence à se bousculer.
Sortie le 20 août
Je file en Debussy pour le film Ma Frère de Lise Akoka et Romane Gueret, dont j'avais beaucoup apprécié le premier long Les Pires qui avait obtenu le Grand Prix de la sélection Un Certain Regard en 2022. On retrouve la même spontanéité dans ce nouveau film qu'on peut présenter comme une version actualisée de Nos jours heureux avec la jeunesse et la diversité de 2025. Le film n'a pas pour autre ambition qu'un portrait collectif dans lequel les enfants sont aussi enjoués que malmenés par la vie, et les animateurs pas toujours plus matures qu'eux. C'est frais, très drôle, sans prétention, et la projection a d'autant plus de charme que tout le casting des enfants est dans la salle, éclatant de rire face à leurs propres performances.
Toujours en Cannes Première, j'enchaine avec Love on Trial de Kōji Fukada, dont j'ai découvert récemment le diptyque Fuis-moi, je te suis / Suis-moi, je te fuis sorti en 2020. L'histoire d'une jeune idole d'un groupe de pop, assortie à une discipline de fer, et qui commet l'impair de se mettre en couple, ce qui est interdit par son contrat. Le film, qui restitue efficacement un monde glacial où les individus ne sont que les rouages d'un capitalisme dénué d'humanité, reste néanmoins assez linéaire et offre peu de prise à l'empathie.
Un programme aujourd'hui : un monstre chinois, un pamphlet iranien, un artiste indépendant et des mères célibataires.