Festival de Cannes, Jour 7

Festival de Cannes, Jour 7

20 mai 2025 (Modifié le 12 mai 2025)

5 minutes

De l'ennui qui tourne en rond, des complots machiavéliques et une baston d'anthologie.

J'avais un secret espoir en programmant le nouveau Wes Anderson à 8h30 du matin : lui donner la primeur de mon attention après une nuit de pause en matière de visionnages. Ses deux derniers efforts (The Phoenician Scheme ne era pas vraiment le test. Anderson n'est pas qu'un abonné à la compétition, il l'est également à ses tics d'écriture, ses motifs, son image, sa musique, ses mouvements de caméra et son ton. Sans émotion, sans enjeu autre qu'un récit qui multiplie les rencontres pour justifier le sempiternel casting de prestige, cet opus dévitalise encore davantage une filmographie en train de doucement sombrer dans la naphtaline. On attend moins le prochain Wes Anderson que le jour où il décidera de sortir de ses ornières.


En salle le 28 mai.



L'enthousiasme des comédiens et du public


J'ai un temps assez court pour redre la salle Buñuel, que j'ai peu l'occasion de fréquenter (c'est là que j'ai vu Tarantino il y a quelques jours). Située au cinquième niveau, elle suppose l'ascension de plusieurs escaliers, et je teste aujourd'hui une coursive que j'avais repérée précédemment, raccourci parfait et méconnu. Encore une nouvelle trouvaille dans ce dédale. D'ici au 80ème anniversaire du Festival, en 2027, je devrais pouvoir faire mes trajets à l'aveugle et organiser un escape game pour y enfermer Ruben Östlund et sauver le monde de ses prochains films.


La transition annonce parfaitement le film qui suit. Cannes a une programmation tellement protéiforme qu'on peut aussi y dégoter quelques bisseries un peu amusantes. Les séances de minuit sont faites pour ça. Exit 8 de Genki Kawamura, adapté d'un jeu vidéo, raconte l'histoire d'un usager du métro bloqué dans une boucle infinie de couloirs. Pour sortir, il doit à chaque nouveau cycle déterminer si des anomalies se sont glissées dans le décor, et dans ce cas faire demi-tour. Vous imaginez bien à quel point ça doit être pénible pour lui, et ça l'est presque autant pour le spectateur. Quelle folie d'avoir développé cette idée sur un long métrage.


Viens on va s'am, j'espère que tu as de bonnes chaussures


J'enchaine avec Un Certain Regard avec Petit Paysan en 2017. Un nouveau film sur le désœuvrement de la jeunesse dans la diagonale du vide, entre alcool, boulot alimentaire et rêves d'exotisme. Assez touchant, malgré quelques fragilités d'écriture dans les dialogues et certaines évolutions du scénario un peu discutables.


Sortie le 8 octobre.



Avant le début du film, on discute comme souvent des films vus entre voisins de siège. J'apprends progressivement que la jeune fille à côté de moi est une comédienne débutante, et qu'elle a joué dans Valeur Sentimentale de Joachim Trier, qui sera projeté en Compétition après demain. Très impressionnant.


Nouvel itinéraire magique : une porte au balcon de Debussy me permet d'accéder directement à la file de salle Bazin et éviter l'obligatoire sortie du palais et nouveau age par les contrôles de sécurité. Place au film Les Aigles de la République de Tarik Saleh (Compétition) un cinéaste suédois d'origine égyptienne, déjà en compétition en 2022 avec

la Conspiration du Caire. La même ambiance de paranoïa et de complot règne dans ce thriller filmé comme s'il se ait dans les années 70, et qui suit les mésaventures d'un acteur star de cinéma contraint de collaborer à la glorification du régime. Efficace, tendu, féroce envers les régimes autoritaires, bien qu'un brin académique dans son traitement.


Sortie le 22 octobre.



La journée s'achève sur la présentation, en Cannes Première, du nouveau film de Michael Angelo Covino dont j'avais beaucoup aimé le précédent sélectionné au Certain Regard en 2019, le savoureux The Climb. Dans Splitsville, le réalisateur poursuit cette même tonalité comique pour interroger la vie de couple, l'amitié et la réussite sociale. Autour du concept de "couple libre" associé au projet de divorce, le réalisateur modernise avec brio et férocité le marivaudage. Les dialogues sont brillants, les personnages superbement écrits, la mise en scène fluide par longs plans-séquence et constructions de gags en arrière-plan.

Le film s'ouvre sur deux séquences consécutives absolument hilarantes et très surprenantes qui saisissent immédiatement le public. Sans trop en dévoiler, disons simplement que dans l'une d'entre elle, une baston avec destruction de mobilier met clairement au tapis celle qui avait tant ravi dans Anora l'an dernier.


La salle est hilare, avec cette incongruité assez amusante du décalage entre deux types de public. Les anglophones rient souvent quelques secondes après ceux qui ont déjà eu la primeur de la blague, écrite en une phrase entière dans les sous-titres.


Quiz : sauras tu qui couche avec qui ?


Au programme aujourd'hui : une famille face à la maladie, une somalienne justicière, un fils sa bataille et un médecin nazi.


Sergent_Pepper

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