Festival de Cannes, Jour 4

Festival de Cannes, Jour 4

17 mai 2025 (Modifié le 12 mai 2025)

5 minutes

Du sexe tarifé, des mines, des politiques publiques et une bonde.

Les nuages sont arrivés sur la Croisette ce matin, ce qui n'est pas un mal. Les files d'attente sous le soleil peuvent être assez éprouvantes pour les inconscients qui n'auraient pas de casquettes et oublié leur gourde d'eau ( = moi avant hier), et qui finissent avec une petite insolation, soit l'équivalent d'une gueule de bois sans alcool, ce qui ne manque pas d'ironie au vu de l'ascèse que je m'impose pour rester lucide et éveillé devant les films.


Les rafales de vent font trembler la salle Varda, construction éphémère sur une des terrasses du Palais durant la projection du matin de Sirat d'Olivier Laxe. Le cinéaste avait impressionné en 2019 avec Viendra le feu, Prix du Jury Un Certain Regard en 2019, et renoue avec le road trip dans le désert qu'il avait déjà mis en image dans Mimosas en 2017.


C'est clairement ma première grosse baffe (sur insolation, donc, imaginez un peu l'effet) du Festival. Le film suit l’itinéraire d’un père et son fils à la recherche de sa fille disparue depuis des mois. Ils intègrent, en plein désert marocain, une communauté de teufeurs (punks à chien adeptes de raves party) pour tenter de retrouver sa trace. Commence alors un voyage hypnotique entre transe sous musique techno, tension du Salaire de la Peur ou de Sorcerer. Entre euphorie et angoisse, sublimation et déchéance, un trip comme on en fait peu. Lors d'une séquence qui a traumatisé tous les festivaliers, j'ai écarquillé les yeux et pris ma voisine à témoin, qui a eu le même réflexe. Pas prêt d'oublier ce moment.


Sortie le 3 septembre



Profitez de la pause, et dites vous que vous n'êtes pas prêts.



J'enchaine sur la Semaine de la Critique, avec le premier film Kika d'Alexe Poukine, assez étonnant dans son développement et les directions que prend l'intrigue. Espérons que la bande-annonce, quand le film sortira, en dévoilera le moins possible pour garder l'effet de surprise que vivent autant la protagoniste que les spectateurs. La comédienne Manon Clavel est exceptionnelle, et le film varie avec talent toutes les tonalités possibles, de la comédie au drame, de la douceur à la violence. Prometteur.



La fin de la projection relève du défi : le film s'achève à 13h25, et le suivant est à 14h00. C'est déjà très court pour enchainer deux séances en espérant avoir une bonne place, mais il faut ajouter ici le critère géographique : la Semaine se déroule à l'espace Miramar, à 13 min à pied du Palais. D'où ma marche nordique slalomée entre des personnes qui marchent simplement pour être dehors sur la Croisette, un projet bien saugrenu dont je n'ai toujours pas pu précisément définir l'intérêt.

Je parviens en salle Debussy pour la projection de L'Inconnu de la grande arche de Stéphane Demoustier dans la section Un certain regard. Demoustier, à qui l'on doit les très réussis La Fille au bracelet (2020) et Borgo (2023), raconte l'histoire du projet de l'Arche de la Défense, et du portrait singulier de son architecte, un danois inconnu au bataillon qui va devoir gérer un projet pharaonique. L'histoire est singulière et révèle bien les arcanes du pouvoir mitterrandien, mais le projet reste assez illustratif et sans réel parti pris de mise en scène ou de point de vue. Le fait que je connaisse déjà l'histoire de cet architecte n'a sans doute pas aidé, mais révélé aussi que le réalisateur n'avait pas grand chose à y ajouter.


Dans les années 80 on pouvait rencontrer Mitterrand sur les Champs : oui, c'était mieux avant.


La file d'attente en sortie de salle se fait sous la pluie, mais la fébrilité est bien palpable pour la première venue d'Ari Aster sur la Croisette. Après les électrisants Hérédité, Beau is Afraid, le cinéaste, capable de bien des audaces, est extrêmement attendu. Eddington, en compétition, évoque l'atmosphère d'ébullition d'une ville du Nouveau Mexique durant le confinement, et la lutte acharnée entre son maire et son shérif. Aster nous impose donc sa satire d'une société américaine au cerveau fondu par les réseaux sociaux et les théories conspirationnistes, et fait de la bêtise humaine sa matière première. Au-delà de la facilité du sujet, le film, beaucoup trop long (2h20), tourne en rond et se gargarise d'une misanthropie gratuite, avant de se diriger vers des séquences d'action et d'ultra violence certes maitrisées, qui restent gratuites. À croire qu'Aster s'est dit qu'il fallait faire du Ruben Östlund pour décrocher une Palme d'Or, et je vois bien le jury séduit à l'idée de récompenser ce film fustigeant l'Amérique.


Sortie le 16 juillet.



Je termine la journée en retournant à la Semaine, pour la première de Baise-en-ville de Martin Jauvat. Les films avec équipe, dans cette sélection, ont une ambiance particulière : lorsqu'on arrive dans la salle, la quasi totalité des sièges sont réservés pour eux, et leur arrivée fébrile et festive nous donne un bel aperçu de ce qu'est l'accomplissement d'un travail collectif de longue haleine. Le film, qui succède au charmant bricolage amateur qu'était Grand Paris en 2023, reprend le même esprit d'une comédie foutraque faisant la part belle au seconds rôles savoureux (William Lebghil, Sébastien Chassagne, Anaïde Rozam...), mais semble un peu plus convenu et encadré. Il confirme en tout cas le ton singulier de Martin Jauvat, qui a parfaitement sa place dans cette sélection.


Premier film de l'histoire à donner un rôle aussi majeur à une bonde.


Au programme aujourd'hui :


Une journée de la femme : qui s'oriente, nage, enfante, découvre, et mon premier film d'animation.


Sergent_Pepper

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