Triangle Strategy est le premier TRPG que je fais, et j’en ressors absolument charmé. Je ne sais pas si c’est le genre en lui-même qui m’a plu ou si c’est ce jeu en particulier, mais je pense qu’il s’agit d’un doux mélange des deux.
Pour être très honnête, durant la première heure et demie, je me suis demandé : « Ai-je vraiment envie de er presque 40 heures à écouter des légos débiter des banalités façon cape et épée, le tout dans ces graphismes HD-2D qui donnent l’impression d’un monde plongé dans un aquarium sale ? » Et pourtant, j’ai très vite été pris par cette épopée très classique.
Triangle Strategy, c’est l’Iliade (et non l’Odyssée), c’est de la tragédie classique, c’est Succession. C’est presque du théâtre pur : toute la narration se construit à travers de longs dialogues et l’exposition des points de vue des personnages. Tout n’est que trahison, prise de pouvoir, cupidité ou moralité. La figure du triangle n’est évidemment pas un hasard : le jeu nous fait graviter autour de trois fondements éthiques : défendre les plus faibles, sauvegarder son peuple ou permettre la liberté au plus grand nombre. Nous sommes dans la construction d’un récit qui se veut au-delà du manichéisme bon-méchant, et c’est habilement mené. Je ne pensais pas que j’accrocherais à un récit si sérieux, si premier degré par certains aspects, et pourtant, j’ai été conquis. Peut-être parce que, pour une fois, je n’incarnais pas un personnage, mais un groupe qui doit prendre des décisions.
Niveau gameplay, Triangle Strategy repose aussi sur trois axes. Si l’on exclut les moments de narration pure, en tant que joueur, nous avons trois missions : mener les enquêtes, voter et combattre
Chacun des 20 chapitres s’articule forcément autour de ces trois mécaniques. Cela a un côté trop monolithique et figé, et là aussi… ça marche. Ayant eu peur de me heurter à un mur de difficulté lors des combats, j’ai opté pour le mode “facile”, ce que j’ai un peu regretté par la suite. Hormis une bataille que j’ai dû refaire, je n’ai rencontré aucune difficulté, ce qui a parfois rendu ces phases de combat longues et ennuyeuses (il n’est pas rare qu’une bataille dure presque une heure). Un regret donc, mais qu’on ne peut pas imputer au jeu.
L’aspect le plus intéressant du jeu, c’est l’idée que l’on va progressivement prendre parti en tant que joueur sur la destinée des personnages (voire du monde). Ce qui suit va peut-être spoiler un peu le jeu, mais je vais tâcher d’être le plus vague possible. J’ai opté pour la voie de Frederica sur la fin du jeu, la voie morale. Le côté prodigieux de la construction du récit, c’est que c’est uniquement à la fin de ma partie que j’ai fait ce virage. Quand j’ai compris qu’on ne résoudrait jamais la violence par la violence, il ne restait plus qu’un seul choix : décider de protéger les plus faibles et laisser les puissants s’entretuer. Après avoir visionné toutes les autres fins, je suis bien content d’avoir fait ce choix.
Triangle Strategy est un jeu marquant qui réussit avec brio à être à la fois un récit global (l’histoire d’un royaume, Norzélia) et une aventure profondément ancrée dans ses personnages (leurs convictions, leurs croyances). Même si je n’ai pas creusé l’aspect tactique des combats, je garderai surtout en mémoire son histoire à embranchements multiples."