Ca m'arrive de temps en temps, je refais une critique après avoir bien rincé un jeu, estimant ma première version insatisfaisante ou incomplète. Dans le cas de Lords of the Fallen, j'ai déjà été très élogieux, plutôt à contre-courant de la masse (évaluations moyennes sur Steam, moyenne éclaireur assez basse) ; et pourtant ce n'est pas pour changer d'avis ni pour dire que finalement, le jeu est bof, mais bien qu'il est victime d'une phénoménale erreur judiciaire. Lords of the Fallen cuvée 2023 est une perle, que dis-je ; un chef-d'œuvre incompris, qui mérite sa place au firmament des Souls-like malgré certaines erreurs de jeunesse, malgré aussi une envie des développeurs, sans doute excessive, de faire confiance aux retours de leur propre communauté pour nerfer au fil du temps un jeu qui assumait peut-être mieux sa propre identité dans ses premiers mois de vie. Pour le meilleur comme pour le pire, finalement, Lords of the Fallen porte la marque des titres indépendants, s'agissant donc du premier jeu d'une structure barcelonaise, Hexworks, composée d'un beau de développeurs internationaux réunis pour forger leur propre vision du genre (on y retrouve notamment un grand nombre de français, y compris à des postes de leads, me faisant dire que même si c'est un jeu européen, sa masse importante de créatifs à marinière le rapproche dangereusement d'un jeu bien de chez nous, ce qui est une première source de fierté chauvine mal placée).
Après 100 heures de jeu, voilà donc que je suis forcé de l'ettre : Lords of the Fallen défonce à sec la concurrence. Ses créateurs sont de véritables malades, dont le manque de reconnaissance ne rend que plus émouvant ce titre certes imparfait, mais puissamment incarné dans toutes ses tentatives d'embrasser ce que le genre a pu produire de meilleur. Bien sûr, il flotte dans l'air un évident côté "pompage", une envie manifeste de recopier sur le bon élève en faisant tout pareil que lui, et je suis le premier à comprendre que cet aspect soit un frein à l'adoption pour un public qui a roulé sa bosse dans les jeux From Software : le décalque est parfois gênant de similitude, et la question se pose, légitime, du droit d'un créateur à imiter ainsi le travail d'un autre. J'ai toutefois décidé d'apporter une réponse plus clémente que la majorité, pour une raison qui a peut-être plus de sens aujourd'hui qu'hier. Le genre du Souls-like étant en effet arrivé à maturité au point d'avoir sa propre dénomination, il n'est aujourd'hui plus si absurde de considérer comme des préceptes basiques les fondamentaux posés par Dark Souls, de la même manière, par exemple, qu'un CRPG peut en imiter un autre sans risquer de se voir reprocher sa reprise de ses logiques principales. Si plus d'aménagements de surface, plus d'efforts de différenciation à haut niveau auraient sans doute été appréciables, essentiellement dans l'interface, les bruitages et les animations (qui, donc : plagient, sans vergogne), Lords of the Fallen fait finalement le choix, pas si idiot, de considérer que la formule des Souls est quelque part un idéal de design à atteindre ; et donc que, pour quiconque voudrait en retrouver le gamefeel (qu'on sait déclinable à l'infini depuis Elden Ring), il pourrait mieux valoir assumer pleinement sa filiation plutôt que tortiller des fesses pour faire différemment quelque chose que chacun voudrait, dans le fond, identique.
Ainsi Lords of the Fallen n'a-t-il pas honte de le dire, il veut faire du Dark Souls. Il aurait sans doute dû un peu mieux le dissimuler, ne serait-ce que pour soigner sa réception publique qui l'a un peu cloué au pilori pour suspicion de pompage. Suspicion en grande partie avérée, il est vrai. Mais tout le problème est là : il s'agit d'un excellent pompage. D'un superbe, d'un insolent, d'un éclatant pompage. Si j'étais Miyazaki, j'irais débaucher illico ses développeurs pour les intégrer à l'équipe de développement du prochain vrai Dark Souls ou Elden Ring. Et c'est aussi là que la copie devient légitime, quand elle réussit si bien à s'approprier les codes de son modèle pour les faire siens. En vérité, Lords of the Fallen n'est ainsi plus tant une repompe qu'un métamorphe. Plus fou encore, une évolution, subtile, mais réelle, de la formule, qui s'ouvre ici vers de nouveaux horizons techniques et conceptuels. "Cet homme est fou", vous murmurez-vous, "il ne peut être que d'extrême-droite". Pour la deuxième partie de la phrase, vous vous emballez peut-être un peu, et pour la première aussi d'ailleurs. Car cherchez bien dans ce jeu, écoutez patiemment ses ambiances de fin du monde, scrutez ses panoramas désolés, hélez ses PNJ perdus : ne vous seront renvoyés, comme dans un Souls, que l'appel de l'aventure, l'envie de pèlerinage et l'exploration prudente d'un monde détruit mais foisonnant.
Après avoir rincé le jeu dans ses grandes largeurs et ses pas moins grandes hauteurs, je ne peux en effet que me résoudre à ettre l'inissible : tout ce que réussit Dark Souls, Lords of the Fallen le réussit aussi. Ou presque tout, mais ça revient quasiment au même. Le level design. La montée en puissance. L'histoire. Les combats. La tension permanente. Les improbables dédales de couloirs. La construction technique en monde ouvert, avec des zones communiquant entre elles par la création progressive de raccourcis. Le caractère fondamentalement imprévisible de la progression, qui a compris l'essence d'un Souls : ne jamais permettre au joueur d'anticiper ce qui l'attendra au prochain virage. Tu croyais qu'il y aurait un boss dans cette cour ? Non, voici juste un monstre normal (par contre, dans le couloir d'après, c'est un boss). Tu croyais que cette porte déboucherait sur une nouvelle zone ? Non, elle te ramène à ton point de départ. Tu croyais que cette petite pièce quelconque ne servirait qu'à récupérer un trésor ? Non, elle dissimule l'entrée vers une région entière. Certains instants de Lords of the Fallen sont tellement bien branlés en termes d'exploration et de backtracking qu'ils m'ont un peu fait penser à l'extension d'Elden Ring, Shadow of the Erdtree, notamment dans les conditions d'accès à certaines zones majeures. Plus d'une fois, une partie de mon cerveau a explosé quand je prenais la mesure, en observant le décor au loin ou en empruntant un ascenseur inattendu, des trajectoires que le jeu me faisait emprunter malgré moi. On a vraiment dans ce jeu l'impression d'être un pantin complètement perdu, à la merci de reliefs absurdes et insensés, mais qui pourtant trouvent leur sens quand on prend du recul sur le chemin parcouru. Très clairement, la conjugaison d'un univers à l'architecture tarabiscotée avec un fonctionnement technique en monde ouvert est la première et principale grande réussite du jeu, qui enchaîne sans sourciller les configurations les plus délicieusement labyrinthiques avec un appétit, une science de la perte de repères, que seuls les jeux From Software maîtrisent.
Avant sa difficulté, c'est par son level design que se définit un Dark Souls. Chaque pas doit être déboussolant, inquiétant, nous faire ressentir notre petitesse dans un univers incompréhensible, qui a vécu sans nous. On doit y bricoler notre progression "contre" le jeu, en étant guidé par la sensation de transgresser l'interdit en permanence, en trouvant des clés en d'improbables détours, en se laissant tomber de surplombs cachés ou en se faufilant dans des coursives si étroites que notre personnage clippe à travers les murs. On y vit, finalement, l'inversion d'un level design classique : les chemins cachés sont les routes principales, les voies trop évidentes deviennent des culs-de-sac sans perspective. Et, surtout, on regarde au lointain, quand la vue nous le permet, quand les murs oppressants en lesquels le jeu nous enferme s'écartent l'espace d'un instant pour nous offrir d'apercevoir le chemin parcouru ou celui restant à faire. Tous ces préceptes sont brillamment intégrés par Lords of the Fallen, qui reproduit à l'identique la structure de ses modèles, y compris dans l'utilisation ad hoc de points de repère permanents à l'horizon : ces piliers de lumière à purifier, que l'on sait devoir atteindre, que l'on distingue régulièrement au-delà d'une montagne ou surgissant des tréfonds d'un gouffre à l'insondable profondeur, sans jamais être capable de ne serait-ce que percevoir le chemin à réaliser, au point de se convaincre, régulièrement, qu'on se fait mener par le bout du nez, que ces objectifs sont totalement inatteignables, perdus qu'ils semblent dans des recoins d'un monde gigantesque, que l'on foule à petits pas en se perdant sans cesse dans des labyrinthes de couloirs ne nous donnant parfois qu'à peine l'impression de progresser. Et pourtant : on les atteint, ces piliers, à force de farfouille, de persévérance, de courage, on finit par arriver à leur pied, et c'est l'épiphanie, ce moment sans pareil dans un jeu vidéo ou les pièces du puzzle s'assemblent, quand s'emboîtent enfin (par une logique d'autant plus écrasante qu'elle était imprévue) les routes bizarres, les allées, les venues, les montées et descentes infinies qu'on a réalisé pour y parvenir, sans plus trop y croire, avant d'emprunter finalement la dernière volée de marche nous y menant. Rarement ai-je autant eu l'impression que mon cerveau implosait en comprenant les routes que le jeu me faisait prendre dans un jeu vidéo.
Ce que Lords of the Fallen a aussi très bien compris, c'est que le bizarre, dans le level design, se transmet à merveille par la verticalité. C'est ainsi essentiellement sur cet axe que se déploie la progression, en nous faisant grimper des échelles, prendre des ascenseurs, descendre d'interminables escaliers ou tomber dans des crevasses à la terrifiante profondeur dont on sait qu'on devra s'extraire, sans jamais savoir comment. Tout étant lié, tout communiquant, tout l'univers étant accessible et navigable d'un seul bloc sans aucune forme d'instanciation, on apprend donc à sa conformer à sa logique du vertige, à accepter ces réguliers moments d'angoisse des parois où l'on tient en équilibre fragile sur de minuscules poutres sous lesquelles s'étendent nos heures ées de progression, en sachant que bientôt, on trouvera un moyen de retrouver la terre ferme, de revenir à endroit un peu plus familier. Peut-être même plus que dans un Souls classique (l'équivalent de l'ascension d'Anor Londo du premier Dark Souls se voit ici repris et amplifié sous de multiples formes), Lords of the Fallen flirte avec le jeu d'escalade, en jouant tant de l'axe Y qu'il fout authentiquement le mal des hauteurs. On pourra ne pas être client, je suis au contraire tombé amoureux de cette particularité : la menace silencieuse du vide autour de soi, l'inquiétude permanente d'un faux mouvement ou d'un ennemi en embuscade malheureuse ; et, simplement, le paysage alentour, tout en falaises, en tours et en interminables murailles s'élevant du plus profond de la terre jusqu'au-dessus des nuages.
Vraiment, après l'avoir parcouru en large et en travers, je n'ai aucun mal à affiirmer que le level design de Lords of the Fallen égale certains Dark Souls, et en sure d'autres. Il joue vraiment dans le top tier du genre. Avec ses biomes variés, ses transitions douces, ses ambiances travaillées, il est en outre d'une beauté qui le place assez loin devant la concurrence. La maîtrise artistique se ressent déjà, tout comme chez From Software. Mais là où le jeu bat ses modèles, c'est sur le plan technique, à la limite d'être révolutionnaire pour un jeu du genre. L'Unreal Engine 5 assure en effet un spectacle exceptionnel, particulièrement sur PC si on peut se permettre de pousser tous les taquets graphiques au maximum. Bien qu'étant sorti il y a 2 ans à l'heure où j'écris ces lignes, Lords of the Fallen est toujours aussi impressionnant visuellement. Tout est beau, tout le temps, que l'on regarde au premier plan, au second plan ou à l'arrière-plan. Près de soi, des textures d'une netteté incroyable, des reliefs réalistes et crédibles, des pierres dégoulinantes d'humidité, des murs effrités au grain troublant de vérité. Plus loin, des cieux aux lumières fascinantes, des torches brillant faiblement dans la pénombre. Ce phénomène, brillamment théorisé par Joseph L. Kantz en 1880 dans son "Essai sur l'esthétique", s'explique simplement : c'est "PUTAIN DE TROP BEAU WESH MADEMOISELLE". Dur de revenir derrière sur Elden Ring, carrément. Et c'est une petite équipe d'un nouveau studio qui a fait ça ? Mesdames et messieurs, c'est n'importe quoi, tout simplement, on se fout de notre gueule. J'ai versé une larme à l'arrivée dans la Gorge de Fitzroy. J'ai vibré d'émotion en déboulant de l'ascenseur vers le monastère au sommet du monde. J'ai été transi d'effroi en débarquant dans les profondeurs, pensant pourtant avoir atteint le point le plus bas possible. Et j'ai été bouleversé en m'extrayant d'un marais crapoteux sans lumière, traversant les nuages pour atteindre un paisible panorama montagneux sous un doux soleil orangé. Il y a de tels moments de bravoure artistique et technique dans Lords of the Fallen que je me demande sincèrement si certains ne sont pas tout simplement inédits. C'est peut-être moins perceptible sur consoles, il y a parfois un peu de stuttering, ça ramouille aux entournures de temps en temps, mais sur un gros PC, c'est globalement très fluide, et il n'y a juste pas plus beau dans la thématique, pourtant bien exploitée par d'autres, de la dark fantasy.
Il me faut aussi parler de l'histoire, un point à la fois capital et négligeable dans un Souls-like. Capital, car on doit comprendre ce qu'on doit faire : c'est ici le cas, en toute simplicité, il faut trouver et restaurer des bidules. "Tuer Ganon", comme dirait l'autre. Et négligeable, car on s'en fout aussi un peu : ce qui prime, à tout instant, est le contrôle de son personnage. C'est encore un point sur lequel Lords of the Fallen vise juste, en touchant le même équilibre qu'un "vrai" Souls : le jeu est taiseux, mais sait distiller quelques mots quand nécessaire. Ses PNJ sont rares, mais capables de dresser des enjeux par leurs quelques répliques. Et c'est en creusant leurs interactions très scriptées, leurs quêtes informelles et opaques réalisées dans la plus pure tradition du genre, qu'on comprend qu'on a affaire à un jeu très écrit dans ses interstices. En deux ans de vie, on a eu le temps d'en percer les secrets, et il est clair aujourd'hui que Lords of the Fallen raconte une vraie histoire. Pour prendre un simple exemple, l'un des personnages que l'on rencontre plusieurs fois au cours de notre partie a prouvé être l'avatar que l'on incarnait dans le jeu original dont ce titre est le reboot : en suivre ses apparitions, en étudier le discours, permet de réaliser que Lords of the Fallen prend la peine de dresser un lore étendu incluant son prédécesseur. Les thèmes abordés sont classiques, mais la mythologie, complexe, et très intéressante pour les theorycrafters qui se sont laissés aller, sur Youtube et ailleurs, à des interprétations aussi couillues que sensées. Tout cela peut, selon le goût de chacun, n'être qu'un vernis de babil charmant par ses zones d'ombre, ou au contraire une invitation à cre un échiquier scénaristique aux nombreux chausse-trappes, qui fait entrer en résonance l'histoire de chaque lieu avec celle des personnages en ayant foulé le sol. Les plus acharnés pourront même partir en quête d'une fin secrète dont les seules conditions tiennent du puzzle narratif le plus décomplexé, qui énerve autant qu'il fascine par ses exigences obscures mais inexplicablement puissantes. En pleine cohérence avec son level design, la réussite de l'histoire de Lords of the Fallen s'épanouit dans le secret, le mystérieux. C'est ce qui participe de l'harmonie générale de l'expérience, quand on comprend qu'il existe en son cœur une vérité cachée, plusieurs vérités mêmes, plusieurs chemins figuratifs répondant aux chemins réels, qui caressent, dans leur muette ambition, la marque des jeux From Software. On peut, au choix, s'en foutre ou s'y perdre : aucune solution n'est meilleure qu'une autre, les deux apportent une satisfaction différente, le plaisir d'une incompréhension en accord avec la désolation ambiante ou, au contraire, celui d'un éclairage, par de curieuses interactions, de l'histoire romanesque aux accents de tragédie grecque qui veut se dire à nous par de timides murmures.
Jusqu'ici, Lords of the Fallen est donc une réussite, mais tout s'écroulerait, bien entendu, si le gameplay pur ne suivait pas, celui pour lequel le genre est connu : la castagne, la baston, la tatane, le bourre-pif. Pareil, après cent heures de pratique, je ne peux que faire le constat que la qualité du gameplay de LotF est rigoureusement identique à celle d'un vrai Souls. Ce sont exactement les mêmes stats de personnage, les mêmes movesets, le même mapping des touches, la même variété d'armes et de builds, la même façon d'améliorer son stuff et le même scaling de l'équipement sur nos statistiques. C'est une copie carbone de Dark Souls. Concrètement, c'est presque impossible de faire la différence manette en main. Plagiat ? Oui. Mais déjà, c'est un plagiat réussi, ce qui n'est pas un mince exploit. Et aussi, non. Car Lords of the Fallen ajoute une donnée au bazar, qui trouve d'ailleurs un impact bien au-delà de son système de combat : son monde duel. J'ai volontairement attendu la fin de ce texte pour en parler, car en fait, cette feature est si originale, et provoque des conséquences si profondes sur l'ensemble du jeu, qu'elle empêche techniquement au jeu d'être considéré comme un plagiat. Eh oui, chers amis : toutes ces accusations n'étaient qu'un trompe-l'œil. A sa racine même, Lords of the Fallen nique le game en intégrant une originalité de conception fondamentale : il existe en deux versions en même temps. Littéralement. C'est la façon la plus simple d'expliquer la chose. On évolue par défaut dans le monde normal, mais la mort, ou un choix volontaire de téléportation, nous transfère dans le monde spirituel, qui permet des tas de choses. Isolément, ce monde spirituel emprunte déjà aux codes du rogue-lite, en faisant apparaître des ennemis de plus en plus puissants au plus longtemps y dure notre séjour, en contrepartie d'un multiplicateur d'expérience boosté et de trésors exclusifs à cette dimension. Et considéré en complémentarité du monde normal, il permet de créer des ages invitant à alterner les visites dans l'une et l'autre dimension : ici pour traverser une muraille fermée, là pour réparer un pont détruit, plus loin encore pour réveiller des souvenirs cachés nécessaires pour comprendre la version tangible du monde. Conceptuellement, c'est balèze. Techniquement, ça l'est tout autant, car les deux dimensions cohabitent en permanence. Témoin, cette incroyable fonction nous offrant de "peek" dans la dimension spirituelle en brandissant notre lanterne pour en étudier la configuration, avant de réaliser qu'un méchant habitant uniquement dans l'autre version du monde nous court dessus à toute vitesse pour nous agripper et nous projeter de force dans sa dimension : l'origine de pas mal de mini-crises cardiaques, où l'on éteint sa lanterne en panique pendant qu'on discerne clairement des bras ou un sabre tranchant s'évaporer devant nous à la dernière seconde, qui sont une raison de plus d'avoir le pas prudent et l'œil analytique, d'une façon jusqu'ici jamais proposée par un jeu du genre. Les implications de ce système de double univers étant particulièrement nombreuses en termes de gameplay, et à ce point malines et bien vues, je me contenterai d'affirmer que le jeu mérite de toute façon d'être joué pour cette seule fonctionnalité, qui transforme notre façon d'aborder l'exploration et les combats en plus d'enrichir considérablement l'ambiance.
Mais quid des défauts ? Le jeu en a forcément, avec des notes aussi basses. En temps normal, je dirais que oui. Par exemple, Lords of the Fallen a indirectement souffert de ses nombreuses mises à jour, qui ont nerfé l'exploration et les boss au point de rendre le jeu désormais un peu trop facile. Il a également été pénalisé par une pauvre implémentation technique de son mode multijoueur, qui a été à l'origine de beaucoup de mécontentements, avec un netcode inconstant et des régimes de progression hôte/invité mal pensés. Mais ces deux défauts sont contournables. Pour le premier, il suffit de rétablir la difficulté d'origine du jeu en activant un modificateur spécial en début de partie (une nouveauté parmi d'autres ajoutées par la récente version 2.0). Et pour le second, en fait, eh bien... il suffit de jouer seul. Car c'est comme ça qu'on joue à un Souls. Car c'est comme ça qu'au fond, Lords of the Fallen veut être joué, malgré sa tendance un peu putassière à écouter sa communauté plus que de raison. C'est bien en solitaire qu'on profitera le mieux de son ambiance, qu'on se recueillera face à ses panoramas hallucinés, qu'on prendra le plus de plaisir à découvrir ce que la progression nous réserve, qu'on se laissera glisser toujours plus profondément dans les entrailles de son monde en ruines. Et surtout, pour ce qui est des autres défauts qu'on a voulu lui attribuer, je hurle poliment au bullshit. La diversité des ennemis est parfaitement acceptable, dans l'exacte moyenne du genre. Le système de lock est identique à n'importe quel vrai Souls, dans ses qualités et ses défauts, et s'apprend comme le reste du jeu (d'autant qu'il est rendu moins pénible par les nerfs récents du jeu, qui ont réduit le nombre d'ennemis). Les boss sont bien conçus et très impressionnants d'un point de vue artistique. Le système de checkpoints est ingénieux et plutôt clément. La qualité de l'aventure et des finitions est d'une constance remarquable pendant les 50 heures que prend un run de découverte ; d'ailleurs, la durée de vie elle-même est parfaitement satisfaisante, voire plus que satisfaisante si on se met en tête de jouer les complétionnistes (une attitude d'ailleurs plus souplement encouragée que chez FS, avec la possibilité de faire des restarts complets en conservant son niveau et son équipement). On a voulu faire payer à Lords of the Fallen son plagiat ; alors que c'est un bon plagiat, et qu'en fait, en plus, ça n'a pas de sens, ma bonne dame, en fait, ce n'en est même pas un. Oui, tout ça n'a aucun sens.