Elden Ring
8.8
Elden Ring

Jeu de Bandai Namco (2022PlayStation 5)

Dark Souls nouvelle génération

J’avoue avoir été décontenancé en lançant Elden Ring après avoir parcouru la trilogie Dark Souls sur ces dernières années. Tutoriel misérable avec une vingtaine de fenêtre pop-up qui s’ouvrent par dessus le jeu, boss extrêmement bavards qui racontent leur vie pendant deux minutes après qu’on les ai tués et longues séquences à cheval où il ne se e pas grand chose pour naviguer entre des camps de soldats qui pour être honnête pourraient se trouver dans un open-world Ubisoft… On est très loin des accueils minimalistes et dépouillés des précédents opus des âmes sombres, et j'ai été choqué de voir les concessions que From Software avait accepté de faire pour rendre l’introduction à son univers plus accompagnée et moins rugueuse pour le nouveau venu.


Et pourtant, heure après heure, on se retrouve inévitablement aspiré dans la spirale. Et même si j’avoue qu’en imaginant “Dark Souls en monde ouvert”, je ne pense que des “trajets à cheval de plusieurs minutes” me serait venu à l’esprit pour imaginer la transition de game-design rêvée, force est de constater qu’Elden Ring est bien l’aboutissement ultime et “nouvelle génération” que la formule ancestrale de From Software méritait. Car tout ce dont on aurait pu rêver est là : une myriade de donjons annexes au level design tout aussi diabolique que le bâtiments principaux parsèment la carte du monde. Des événements et combats de mini-boss secondaires se cachent dans chaque recoin pour les exécuteurs affamés qui voudraient se faire la main (238 boss d’après internet ! Donc oui parfois vous vous baladez tranquille, une gargouille tombe du ciel et la musique épique se lance, on a jamais été aussi proche des memes “Why do I hear boss music”). La quantité de contenu est sans précédent dans les productions du studio avec une myriade d’armes, de magie, de talismans, de ressources à craft, d’invocations (nouveau système riche que j’apprécie beaucoup pour offrir une expérience à mi-chemin entre la coopération et le pur pèlerinage ou devrais-je plutôt dire purge-rinage en solo). Et si au début ça peut-être assez effrayant, rien n’est obligatoire comme toujours (je n’ai par exemple jamais fait de craft comme je suis assez allergique à la pratique, désolé Jack Black) mais plus que jamais tous ces systèmes permettent d’adapter l’expérience de jeu aux envies et besoins de chaque joueur. Même si un tour sur le wiki ne sera pas de trop comme à chaque jeu.


Et c’est ça qui fait plaisir, même si on a un jeu plus accessible que jamais, From Software ne s’est pas éloigné de ses idéaux (pour le meilleur et pour le pire). Les quêtes secondaires sont toujours aussi capilotractées mais très diégétiques et envoûtantes. Les combats de boss sont toujours aussi iconiques et représentent un vrai melting-pot de tout ce qu’il y a eu de mieux dans la série, avec en prime pas mal de twists pour varier toujours plus une formule bien connue des habitués. J’ai adoré faire une bataille avec un petit escadron de 5 ou 6 alliés, récupérer sur le terrain une arme spécifique à l’affrontement d’un dieu serpent est jouissif à souhait et la première phase du combat de Rennala lui confère une ambiance vraiment unique. Car comme toujours c’est ça qui est terrassant dans les productions de From Software : l’ambiance. Et même si c’est vrai qu’on est plus proche ici de Dark Souls que les autres projets (Bloodborne et Sekiro) qui avaient réussi à s’éloigner de la dark fantasy médiévale, je n’ai trouvé à aucun moment que Elden Ring était en deçà ou même faisait doublon. Le monde est certes moins décrépi et désespéré que celui de Dark Souls, et même si c’est surprenant que certains boss soient loquaces leurs répliques sont plutôt bien écrites et ça ne fait que renforcer l’iconisation de leur présence (genre Malenia pour ne citer qu’elle est un pur travail artistique d’orfèvre et ce n’est pas surprenant qu’elle ait marqué à ce point la communauté). L’aventure que soit le secondaire ou le principal comporte son lot de moment inoubliables, des panoramas comme celui de la Capitale Royale n’auraient pas pu exister dans l’univers sombre des Souls. Et surtout, l’empreinte de Georges R. R. Martin est bien palpable contrairement à ce que les gens disent et plus que jamais la richesse du lore est accessible au joueur de surface que je suis : on arrive un peu à retracer ces affrontements de familles royales (c’est aussi aider par le fait qu’il y ai plus de dialogues évidemment).


L’autre chose qui marque différemment des Souls c’est les environnements. Pour coïncider avec le age au monde ouvert : le choix du gigantisme a été fait. Et même si ça implique donc la présence de quelques plaines vides et plates, le sacrifice est rentable pour obtenir des méga-structures écrasantes et des châteaux à échelle réelle dont chaque parcelle a bénéficié de l’irréprochabilité de level-design qu’avait chaque couloir des Souls. On a jamais eu autant d’ennemis géants que dans Elden Ring d’ailleurs il me semble (cf le boss de fin qui n’a jamais été aussi gros ?), l’affrontement contre ces derniers étant plus agréables que jamais a dos de cheval. J’ai désespéré sur mes premiers essais contre le boss final avant de réaliser qu’on pouvait chevaucher la monture pour le traquer sur cet ultime affrontement. Et FromSoft a parfaitement su réguler le dévoilement progressif de ce gigantisme au joueur avec des panoramas à l’agencement divin, l’agrandissement progressif de la carte au fur et à mesure qu’on découvre les zones donnant l’impression que la générosité du jeu ne va jamais s’arrêter (ce qui est un peu le cas). La direction artistique du titre est juste stellaire, et comme je disais même si c’est moins désespéré qu’à l’accoutumée on a quand même de la pure adaptation de Berserk avec des mares de sang et des terres brûlées qui, parcourues à cheval, ne peuvent pas faire penser à autre chose qu’une transposition exacte de l’oeuvre de Miura. J’en place une aussi sur la mise en scène des cinématiques d’ailleurs qui n’a jamais été aussi travaillée. Et une mention spéciale aussi également à l’animation d’attaque chargée à cheval qui m’a vraiment choqué : le joueur brandit et frotte son épée contre le sol et ça réagit vraiment à chaque environnement, ça fait des vagues dans l’eau, des étincelles sur les cailloux, incroyable d’immersion.


Elden Ring n’est pas exempt de défauts, notamment ceux dont From Software semble ne pas pouvoir se libérer comme les imperfections de caméra et de ciblage de gros ennemis. Ou même le tutoriel absolument misérable comme je l’ai dit qui reprend la très mauvaise idée de Bloodborne et Demon Souls de confronter le joueur à un ennemi intuable, mais qui en plus le fait ici de la plus disgracieuse manière jusque là avec un fondu au noir immonde. La dopamine est également moins instantanée qu’en environnement clos puisque, taille oblige, tout ce qu’on ramasse n’est pas toujours instantanément utile et gratifiant, c’est assez troublant de se retrouver avec 90 myrtilles dans un souls-like (le truc n’est même pas comestible mais uniquement craftable).


Mais force est de constater que malgré tout ça, Elden Ring tient sans aucun problème tête à Dark Souls, son héritage et son univers pourtant composé de jeux quasiment parfaits à chaque fois et je pèse mes mots. Son univers est tout aussi obsédant, son game-design tout aussi ciselé au millimètre près, il est même plus riche et accessible que jamais avec sa myriade de contenu écrasante et le fait qu’enfin, face à un mur de difficulté, on peut faire quelque chose de stimulant pour s’améliorer plutôt que juste “farmer de l’expérience ou appeler à l’aide un autre joueur”. Je n’y croyais pas vu tout le “bruit” que fait le début du jeu mais l’expérience se termine bien dans le silence le plus solennel et divin. Après avoir foulé l’entre-terre et retourné tous les boss secondaires (sauf 2), oui, Elden Ring est bien encore un coup de maître de From Software qui montre un aboutissement de ce qu’on peut faire avec le jeu vidéo. Quelle maîtrise absolue, quel régal. Quel grand studio.


10
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il y a 3 jours

Critique lue 8 fois

Tomega

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