Potentiel fou
Clair Obsur avait le potentiel pour être un très très grand jeu. L'introduction est l'une des meilleures intro du genre RPG, on est tout de suite conquis par cette quête pour sauver le futur de...
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le 27 avr. 2025
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Comme beaucoup, ça commence par un coup de cœur lors de la diffusion du trailer au Xbox Showcase de l'année dernière. La direction artistique, la musique et l'univers cryptique m'avaient directement tapé dans l’œil et afficher un Paris déformé avec cette tour Eiffel en fond, que n'aurait pas renié un Dalí, avait éveillé ma curiosité. Mais en tant que vieux routard issu d'une époque ou la qualité d'un jeu ne pouvait clairement pas se définir grâce à son enrobage, j'attendais de juger sur pièce. Le temps a é, les influenceurs ont influencé, la machine à hype s'est emballée et comme à chaque fois, le poids déposé sur les épaules de Sandfall est bien trop gros pour ce qu'est en réalité Clair Obscur Expedition 33 : juste un bon jeu.
Pas un chef d’œuvre, pas une révolution, pas le fossoyeur du JRPG qui met à genoux toute la production japonaise des 15 dernières années, non, juste un bon jeu. Avec de grandes qualités mais aussi de gros défauts. Mais alors c'est quoi qui ne va pas ?
Les choses avaient pourtant bien commencé : une introduction émouvante, une expédition désespérée qui tente de redonner de l'espoir à des survivants résignés en sursis, un acte I bien maitrisé qui montre de bonnes mécaniques de jeu avec un final haletant qui n'hésite pas à prendre un risque par le biais d'une décision radicale (c'est courageux) et des personnages réellement attachiants (le pathos un peu poussif m'a fait lever les yeux au ciel quelques fois mais je me suis attaché à ces "jeunes ados" un peu trop drogués au vin et à Baudelaire).
Non, le vrai problème, c'est l'acte II.
Les limites commencent à vite apparaitre. Sur le système de jeu, déjà, où l'on se rend compte rapidement que la seule statistique importante à faire progresser, c'est l'attaque : les contres / esquives vous facilitent énormément la tâche et ce sont surtout les pictos et l'acquisition de luminas qui vont influencer votre build. Vous allez avoir régulièrement de gros sac à PV et l'ennui va poindre : les mêmes patterns, encore et encore, et toujours la même recette pour obtenir les mêmes effets. Ce système de contre / esquive que certains décrivent comme une révolution (soyons sérieux) finit par devenir un gimmick que l'on répète ad-nauseam. On aurait préféré quelque chose d'un peu plus adaptatif en fonction de la "classe" de son personnage et de l'action. Là c'est systématique, à chaque tour, et c'est totalement usant au bout de 30h ou 40h.
Autre point de crispation, il faudra attendre la fin de l'acte II (donc une bonne trentaine d'heures si l'on est pas en ligne droite) pour obtenir le picto faisant sauter la limite de 9999 et se rendre compte que nos personnages étaient bridés artificiellement : oh frustration. Les gros soucis d'équilibrages ne nous serons pas épargnés : j'ai par exemple tué l'Axon Sirène uniquement avec Maelle en laissant les deux autres crever par lassitude, ce qui ne devrait pas être possible. Parfois certains timings de contres sont un peu éclatés et on se rabat sur l'esquive : ça sera un peu plus long mais ça fonctionne quasi à tous les coups. Ne parlons pas de la dernière partie vers le boss qui est une ballade de santé en comparaison des combats contre les Axons et de leur durée : On ne comprend pas. Ces problèmes mettent en exergue ce qui est pour moi un défaut central du jeu : on ne sent pas nos personnages progresser. On gagne bien en puissance mais on n'a jamais l'impression de "déer les limites" et d'enclencher l'overdrive comme certains JRPG savent si bien nous le faire ressentir.
L'acte II est donc long, très long, trop long, trop dirigiste, l'exploration récompense peu (les skins, ça va 5mn, ce qu'on veut c'est de l'équipement légendaire pour fracasser des Névrons) et la verticalité du level design, peu inspiré, est totalement factice : un couloir reste un couloir. Le jeu à la mauvaise idée de mettre pas loin de 20mn de cinématiques condensés à la fin de cette partie où l'on doit digérer pas mal d'informations d'un coup et c'est au final assez maladroit. Si le scénario est vraiment un des gros points forts du jeu (c'est vraiment frais et original), il y a clairement un problème de rythme.
Puis vient l'acte III où le jeu se déverrouille entièrement (certains jeux se sont fait massacrer pour ça...) en tentant de vous répéter plusieurs fois "hey prépare-toi bien, va farmer et explorer, c'est le boss là!" alors que l'on en a absolument pas besoin : la fin du jeu se fait en mode automatique avec un niveau de difficulté incompréhensiblement bas par rapport à ce que l'on peut croiser en exploration sur ce dernier tiers. Si on peut considérer ça comme un contenu end-game, la différence de niveau est tellement grande qu'elle décourage, on est déjà sortis de l'acte II rincés, l'envie n'est plus là. Sur mes dernières heures, il n'y avait plus que l'histoire qui me donnait encore envie d'aller au bout. Je pourrais citer d'autres problèmes, techniques, des placements de caméra hasardeux qui traversent parfois le décor, des phases de plateforme détestables et des problèmes de collisions dans les décors mais je crois que j'ai listé l'essentiel de ce qui, de mon point de vue, était problématique. Ah si, les menus de sélection pour les compétences et les luminas sont franchement anti-ergonomique au possible. On se demande par ailleurs comment cela est possible alors que les menus en combat sont bien fichus et agréables à parcourir.
Mais alors c'est pas bien Clair Obscur ? Et bien si, c'est bien. On a une histoire originale qui essaie de créer sa propre mythologie (et quelque chose me dit qu'elle n'est pas finie), une direction artistique soignée et très audacieuse par moments, une bande son magistrale (même si on aurait aimé quelques thèmes en plus), des doublages de qualité et une excellente base pour une suite.
Ce que je reprocherai au tapage médiatique actuel autour du jeu, c'est de ne pas souligner nombre de ses défauts alors que cela n'aide PAS le studio. Même si on peut imaginer qu'ils sont parfaitement conscients des faiblesses de leur création, la pression pour la suite va être littéralement énorme et je leur souhaite sincèrement de la réussite pour leurs prochaines productions.
Si Clair Obscur Expedition 33 ne détrône pas les ténors du genre, ne rabat pas les cartes du tour par tour et ne fait certainement pas la leçon aux productions japonaises (lire ce genre de chose est tellement anti-constructif...), il est indéniable qu'il s'agit d'un bon jeu. Juste un bon jeu. Et c'est déjà très bien.
Créée
le 26 mai 2025
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Clair Obsur avait le potentiel pour être un très très grand jeu. L'introduction est l'une des meilleures intro du genre RPG, on est tout de suite conquis par cette quête pour sauver le futur de...
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le 27 avr. 2025
29 j'aime
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Le RPG est de loin mon genre vidéoludique préféré et comme tout le monde le sait déjà, ce jeu est réalisé par un le studio Français Sandfall Interactive qui emprunte énormément au style des JRPG pour...
le 26 avr. 2025
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Je me souviens avoir rêvé de Clair Obscur après son annonce ; l'impression d'un déjà-vu foudroyant à l'écriture même de cette critique me pousse à me demander si ce n'était pas finalement bien prévu...
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le 28 avr. 2025
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