Blue Prince
7.7
Blue Prince

Jeu de Raw Fury (2025PlayStation 5)

Un plan parfait

Garanti sans spoils


Blue Prince est de ces jeux rares où les premières heures ne sont en réalité que l’apéritif d’un plat de résistance bien plus généreux qu’il ne semble être au premier abord. Un mille-feuille qui révèle ses couches au fur et à mesure, à la façon de Tunic, Outer Wilds et autres metroidbrainias. Un genre relativement récent qui semble faire mouche à chaque nouvelle itération tant il sollicite moult aspects de réflexions de la part du joueur, l’invitant à constamment changer sa perspective sur ce qu’il pensait que l’on attendait de lui, faisant confiance à son intelligence, et le récompensant de manière totalement satisfaisante par de savoureux moments “Eurêka!”. Et comme souvent dans cette niche, Blue Prince sort de nulle part, issu de l’esprit fécond d’un indépendant qui n’a rien à perdre, et tout à proposer. Tonda Ross et son studio Dogubomb livrent ainsi une première œuvre qui se taille sa propre niche dans un florilège déjà éclectique de jeux à couches superposées.


Comme beaucoup, j’étais pourtant perplexe lors de mes premières heures sur le domaine dont vient d’hériter notre personnage. Des mécaniques de rogue-lite nous demandant d’atteindre une mystérieuse antichambre en édifiant des pièces sur plan (blueprints, Blue Prince, vous l'avez?) tirées au sort, couloirs ouvrant des accès sur un plan quadrillé, imes promettant de récolter les ressources nécessaires à notre agrandissement du manoir, et autres salles d’apparence anodine. Dans la plupart de ces chambres et salons, on trouvera des notes au premier abord cryptiques et des décors fournis que l’on devine porteur de sens sans trop arriver à connecter les points. On rencontrera rapidement un premier coffre-fort ou un ordinateur, nous posant l’évidente énigme de son code ou de son mot de e. On era notre chemin, bien incapable de comprendre où est l’information. Puis on trouvera un indice plus tard, un autre jour peut-être, et ça tiltera dans notre cerveau en ébullition. On avance ainsi, tout en pestant sur la prépondérance du hasard dans nos chances de réussite.


Car c’est bien cet aspect qui a rebuté de nombreux joueurs, les poussant à abandonner l’exploration nébuleuse. C’était en tous cas mon état d’esprit au bout de 4-5 heures. Mais en persévérant, en choisissant des options qui ne favorisaient pas forcément pas ma run en cours pour découvrir d’autres endroits, j’ai trouvé des conseils de bon aloi disséminés par les développeurs, me permettant d’inhiber suffisamment les aléas par la suite pour mener mes quêtes à bien. Car l’avancée dans la compréhension multiplie les objectifs, et si l’un d’entre eux semble inatteignable sur une partie donnée, il est probablement possible d’en tenter un autre. Et de fil en aiguille, on en vient à tisser une tapisserie complexe dont les motifs se révèlent à nos yeux ébahis. Un lever de voile qui ne se fait pas que sur les mécaniques, mais également sur la peinture d’un univers et d’une histoire familiale que nos premiers pas ne laissaient pas présager si profonds et engageants. L’excitation croît exponentiellement, et la satisfaction avec. Les plans deviennent nos armes, les gemmes et clés nos munitions, les accessoires nos armures. Au même titre que le carnet et le crayon que l'on aura toujours à côté de soi, prêt à noter et à dessiner tout ce qui nous paraît pertinent, quitte à remplir nos marges de gribouillis bientôt incompréhensibles et in fine inutiles.


J’ai ainsi é plus de 70 heures au Mt. Holly Estate, et si j’ai réussi à er bien des épreuves au-delà du générique (atteint en environ 20 heures), je mentirais si je vous disais que je n’avais pas fait appel à des recherches extra-diégétiques. Car Blue Prince est construit de telle sorte qu’il nécessite les trouvailles de toute une communauté dans ses énigmes les plus retorses. Une communauté de cryptologues qui travaille encore aujourd’hui, vingt jours après la sortie du titre, pour en révéler les ultimes secrets. Elle est faite de gens bienveillants qui, plutôt que de poser les solutions trouvées sur un plateau d’argent, parlent en indice, laissant aux joueurs perdus la possibilité de se raccrocher au raisonnements attendus pour arriver à leur propre conclusion. Juste un petit coup de pouce supplémentaire que les rédacteurs de Steam, Reddit et autres Discords partagent volontiers. A l’heure où j’écris ces lignes, je vois qu’a fleuri un wiki fandom, tenant de compiler les découvertes de manière encyclopédique. Je suis heureux que cet outil existe, mais également qu’il n’ait pas été disponible lors de mon aventure car trop tentant par sa facilité. Mais il faut tout de même rappeler que cette option sera parfois nécessaire pour certains joueurs, Blue Prince n’étant traduit dans aucune autre langue que l’anglais. Et malheureusement pour les non-anglophones, la possibilité d’une traduction semble presque impossible, le langage déant les frontières des simples écrits dans son usage au cœur de l’architecture de nombreux puzzles.


Vous l’aurez sans doute compris, mais Blue Prince fait partie de ces œuvres stimulantes en tous points, parvenant à renouveler le terreau fertile du rogue-lite en en proposant une version purement basée sur l’exploration et la compréhension de son environnement. L’agilité qu’il demande est celle de l’esprit et non du stick, les combats qu’il propose sont uniquement mentaux, et les récompenses sous forme d’estime de soi qu’il vous fait gagner déent tous les trésors sonnants et trébuchants habituels. Une œuvre rare et marquante qui finira indubitablement dans les jeux de l’année, voire de la décennie.


10
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs jeux vidéo de 2025

Créée

le 30 avr. 2025

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12 j'aime

2 commentaires

Frakkazak

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