Qu'est-ce qu'il est doux de se faire peur !
Amnesia: The Dark Descent est malaisant, inconfortable, tintée d'une épouvante habile et travaillée. On incarne Daniel, un homme amnésique au beau milieu d'un château ténébreux (loin de Versailles) avec une belle inspiration Draculienne. Daniel a l'air d'être atteint d'une psychose accompagnée de déformation de la réalité, il aurait choisi d'oublier qui il était. Est-ce que le jeu va traiter de maladie mentale, et en profiter pour aborder le sujet encore mal traité psychophobie ? Oui et non, car Daniel n'est pas malade, et sait très bien ce qu'il essaie de fuir. Une ombre le poursuit, quelque chose de malfaisant uniquement animé par la fin de Daniel.
Belle métaphore, cette ombre, aussi protectrice de l'orbe, qui fait office de second antagoniste, mais aussi de rappel de ce que Daniel souhaite fuir, ses responsabilités et ses actes barbares et inhumains, qui font de lui l'un des principaux monstres du jeu. Il s'est fait peut-être manipuler par le baron Dracula, mais c'est toujours lui qui a agi pour son propre intérêt, quitte à tuer, sacrifier, et torturer. Machiavel à son sommet, la fin justifie les moyens, si la fin est bonne.
Le jeu a de superbes idées de conception :
- La physique et l'interaction kinésique du joueur avec le monde, tout est quasiment touchable, orientable, très utile pour le puzzle et l'immersion puisqu'on se retrouve à devoir tourner notre souris pour ouvrir la valve. Cela rend certains moments encore plus stressant voir insoutenable parce qu'on est limité par nos capacités physiques à remplir le puzzle. C'est une très bonne idée pour une immersion et une présence intensifiée : la souris devient un proxy pour ses propres bras, une nouvelle interface de jeu, ce qui, contrairement à d'autre jeu, donne une sensation de liberté, de capacités accrues.
- Les jumpscares, peu ou prou, souvent des coups de vents, qui ramènent l'attention, bien mieux maitrisée que Outlast !
- L'insertion de la sanité dans le gameplay : la psychose et la surcharge d'anxiété force le personnage à se coller par terre, à ramper, et le joueur lutte contre ça dans les pires circonstances (rencontre monstre), comme une vraie personne atteinte de ces afflictions. Moi, je ressens une claustrophobie et une terreur quand le personnage perd le nord, c'est vraiment une idée qui sert le gameplay. Le seul hic, c'est lorsque notre sanité a trop descendu, le jeu devient ingérable, le personnage à l'air saoul et on se déplace sans précision, ce qui peut être désagréable à la longue et peut ca de la cybersickness.
Certains ages m'ont aussi vraiment fait transpirer de peur.
Le moment où on est dans l'eau et on est poursuivi par une entité invisible, fantastique et horrifique, cette séquence a fait battre mon cœur à la chamade. D'autres poursuites où la musique indique qu'il faut accélérer, mais il y a des putains de débris qui bloquent la porte, et on est tellement paniqué que notre précision en prend un coup et ça nous fait encore plus paniquer. De beaux souvenirs de peurs.
L'histoire racontée via des notes et un doublage impeccable est confuse de premier abord, puis la forme finale apparaît et on se sent sale vers la fin du jeu, sur ce qu'on apprend.
La note qui donne des conseils sur la torture devrait être moins précise sur ces conseils, c'est presque un guide de torture réel. C'est peut-être ce qui m'a fait le plus peur dans le jeu : ce que l'humain est capable de faire à autrui, la souf infligée pour récupérer une essence particulière. Le nombre d'animaux et d'humains moissoner, récolter dans le sens premier du terme. Comment Daniel a pu en arriver ici ? Est-ce la peur de l'orbe, de l'ombre qui tuait petit à petit ce qu'il connaissait ? Est-ce l'autorité de Dracula (comme l'expérience de Milgram le souligne) ? Est-ce qu'il prenait un plaisir inavouable ?
Pourquoi 7/10 après ce discours élogieux ?
Parce que j'ai fait Alien: Isolation et que je trouve que c'est l'évolution naturelle d'Amnesia et du jeu d'horreur. Et c'est ce qu'a fini par faire Frictional Games avec "Amnesia: the bunker" qui est alien: isolation in disguise :
- Le jeu ne donne aucun moyen de se défendre, et quoique certains trouvent que ca renforce l'aspect terrifique du jeu, je trouve que l'effet cesse é les 3h du jeu à voir la MEME créature. La voir sur ton age devient une nuisance, un obstacle plutôt qu'une chose à laquelle on veut échapper à tout prix. Ce qui est bien dans Alien Isolation c'est que l'Alien n'apparaît pas tout le temps, et surtout, il faut se cacher plus que l'affronter, mais le jeu nous donne la possibilité de faire les deux (même si le repousser ne marche plus puisque l'Alien comprend que ça ne lui fait pas de mal)
- Le jeu nous demande de rester dans le noir, mais les ennemis continue de nous chasser même en se cachant dans un coin. Le côté mou et balourd (un peu comme Bayrou) de la course n'a rien à faire quand tu luttes pour ta vie, tu cours où tu crèves, alors arrêtez de dire que c'est fait pour ressentir plus de peur et d'anxiété ; encore une fois ça marche deux ou trois fois, mais lorsque tu meurs 5 ou 6 fois, c'est fatiguant et ennuyeux. Je joue à Silent Hill 2 ou quoi ?
- Le jeu est long. J'ai commencé à vouloir le rush à cause de ça. Beaucoup de rallonges à causes des "escape games" d'ailleurs. Le jeu commence à s'essouffler en plein Milieu ! On navigue sans réelle récompense scénaristique, on connaît le monstre et nous fait moins peur, c'est vraiment que vers la fin qu'on se sent rassasié, le jeu nous affame avec sa longueur.
- En parlant des "escape games", ils sont parfois trop rachitiques en indice, et inintelligibles.
Dans tous les cas, le jeu reste un bon jeu d'horreur. Je le recommande et j'espère que la suite sera encore meilleur.