Je connais encore assez peu Sion Sono, n'ayant vu que Suicide Club auquel je suis resté assez hermétique, et Tokyo Tribe dont l'originalité du traitement m'avait enchanté sans me faire atteindre des sommets. Néanmoins, ce Why Don't You Play in Hell? tient pour moi du petit miracle japonais ; le miracle de la folie cinématographique. Cette folie que ne retrouve que dans le cinéma asiatique et notamment chez les japonais mais que seul les films d'animation m'avait jusqu'alors éblouit en ne montrant que la folie pure. Souvent, la folie cinématographique reste un fond pour développer le propos principal mais ici le réalisateur en fait son héroïne de premier plan et Why... est tout simplement 2h de folie pure mais qui vous agrippe comme jamais tant elle sonne étonnamment juste, et c'est peut-être là que le film s'est pour moi démarqué de Tokyo Tribe ou d'autres productions, comme on peut le voir chez Miike par exemple. Il n'y a aucune demie-mesure, tout est joué à fond avec de rares fausses notes.
Et encore, quand je parle de fausses notes, tout est relatif. Tout d'abord on s'aperçoit que le film est parfaitement imprévisible ; ce n'est pas qu'il sort des sentiers battus c'est tout simplement qu'il n'y a pas de sentier pour commencer. Ensuite, à chaque fois que Sion prenait une direction narrative qui me laissait circonspect, c'est cette même direction qui amène une scène ou une situation qui me laisse complètement sur le cul. Allant de surprise en surprise, on finit par lâcher prise et se laisser entraîner par ce récit dingue, jusqu'à à aboutir à un final où l'aspect méta qui parcourait tout le film prend son apothéose et on finit par se demander si tout cela n'était pas un fantasme, mais le fantasme de qui? Hirate? Muto? Mitsuko? Ou tout simplement Sion comme l'indiquerait les 5 dernières secondes, qui nous renvoient à La montage sacrée de Jodorowsky?
En conclusion, Why ... est un film qui tente plein de trucs dingues et qui en réussit beaucoup (pas tout), et cette réussite est notamment portée par un casting qui donne absolument tout: le charisme dingue de Jun Kunimura, le charme hypnotique de Fumi Nikaido, les expressions faciales de Shin'ichi Tsutsumi qui semblent venir d'un autre monde et enfin la composition hallucinante et hallucinée de Hiroki Hasegawa. La force des acteurs japonais c'est qu'ils peuvent tout se permettre tant qu'ils le font à fond, et ici ils sont à 200%. On sort du film lessivé mais heureux, pas tout à fait sûr d'avoir encore bien compris ce à quoi l'on vient d'assister, mais avec la certitude d'avoir vu quelque chose d'unique et jouissif.