Une belle fille comme moi
1972 - François Truffaut
Avec ce neuvième long-métrage, François Truffaut s’aventure du côté de la comédie noire et du vaudeville criminel. Adapté d’un roman de l’auteur américain Henry Farrell (connu pour "Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?"), "Une belle fille comme moi" est un ovni pétillant dans la filmographie du cinéaste, où il explore, non sans ironie, les rapports entre le masculin et le féminin, le pouvoir de séduction et les ambiguïtés de la narration.
L’histoire suit Stanislas Prévine, un jeune sociologue (joué par André Dussollier dans un de ses premiers rôles) qui entreprend une étude sur les femmes criminelles. Il rencontre Camille Bliss (incarnée avec malice et mordant par Bernadette Lafont), une détenue accusée de meurtre. Très vite, Camille raconte sa vie rocambolesque, faite d'hommes séduits, de ions fatales, et de situations à la frontière du burlesque et du tragique. Mais qui manipule qui ?
Le film se distingue par sa légèreté de ton, sa mise en scène enlevée, et le charme insolent de Bernadette Lafont, qui incarne ici une figure féminine libre, ambivalente et insaisissable. Truffaut s’amuse à dynamiter les codes du polar et du documentaire, dans une structure éclatée où les flashbacks prennent des allures de fantasmes.
Moins connu que "Les Quatre Cents Coups" ou "Jules et Jim", "Une belle fille comme moi" mérite d’être redécouvert comme une œuvre audacieuse et malicieuse, qui détourne les genres pour mieux explorer les jeux de pouvoir entre les sexes et les pièges de la représentation. Une comédie criminelle au charme vénéneux, à la fois drôle et inquiétante, où le regard du cinéaste se teinte d’une méfiance narquoise envers l’innocence apparente.
Ma note : 06/10
Recommandations :
Tirez sur le pianiste (1960, François Truffaut) – Un autre film de Truffaut qui mélange polar, ironie et légèreté de ton.
La Mariée était en noir (1968, François Truffaut) – Une femme vengeresse, des meurtres, un traitement stylisé et ludique.
L’Amour en fuite (1979, François Truffaut) – Plus léger, mais avec des flashbacks et des ruptures de ton similaires.
Cléo de 5 à 7 (1962, Agnès Varda) – Une héroïne forte, libre, en pleine déambulation dans un Paris vibrant.
Les Biches (1968, Claude Chabrol) – Portrait de femmes, manipulation, sexualité trouble.
Que la bête meure (1969, Claude Chabrol) – Plus sombre, mais avec une critique sociale acerbe et un certain goût pour l’ironie.
Serial Mother (Serial Mom, 1994, John Waters) – Une satire américaine mordante, où une mère de famille se révèle tueuse en série.
Prête à tout (To Die For, 1995, Gus Van Sant) – Une femme séductrice et ambitieuse, les médias, le crime : satire acide dans un ton assez proche.
Lola Montès (1955, Max Ophüls) – Une femme mythifiée, des flashbacks multiples, un dispositif narratif audacieux.
Zazie dans le métro (1960, Louis Malle) – Énergie folle, gamine insolente, ton anarchique.
Faster, Pussycat! Kill! Kill! (1965, Russ Meyer) – Des femmes puissantes, une mise en scène volontairement outrancière.
La Cérémonie (1995, Claude Chabrol) – Deux femmes marginales qui défient l’ordre établi, dans un crescendo meurtrier.