Un parfait inconnu
6.8
Un parfait inconnu

Film de James Mangold (2024)

A perfect surprise

Une surprise au sein du genre essoré du biopic musical est toujours bonne à prendre. James Mangold sure largement ce premier essai qu'était Walk the line avec une approche qui brille autant par ce qu'elle fait que par ce qu'elle s'évertue, justement, à ne pas faire.


Exit les tentatives de dissection d'une personnalité insaisissable à grands coups de psychologie de comptoir, dans un geste qui rappellera celui opéré par Milos Forman avec son magnifique Man on the moon où l'Andy Kauffman de Jim Carrey, tout comme le Dylan de Timothée Chalamet, stagnait à l'état d'énigme existentielle du début à la fin du film.


La raréfaction - autant que faire se peut - de pontifiantes et statiques scènes dialoguées, qui parasitent d'ordinaire la grande majorité de ces productions, en est un corollaire bienvenu. Si elle laisse toute leur place aux chansons de l'artiste comme moyen d'expression privilégié de ses états d'âme contradictoires, les titres rivalisent d'ingéniosité dans leur élégante illustration des mouvements socio-culturels de l'Amérique d'alors.


Une certaine séquence, figurant le pic de tension attenant à la crise des missiles de Cuba, en constitue un exemple canonique. Dans un précis de montage d'une étonnante fluidité, Mangold parvient à entremêler organiquement l'évocation d'un contexte politique plus large et la réaction, via le chant et la composition, de Dylan à ces évènements précis.


En d'autres termes, le cinéaste inscrit l'homme dans son environnement et en fait un commentateur privilégié de son époque chaotique, dont l'impact est pensé comme générateur des paradoxes qui habitent un être en perpétuelle recherche de lui-même. Il permet à son œuvre de se concevoir comme un voyage dans une parcelle d'histoire américaine et non pas uniquement comme le portrait réducteur d'une figure majeure de la musique.


Identité nationale et identité personnelle, toutes deux protéiformes, sont ainsi indissociablement liées dans Un parfait inconnu. Sa construction est d'ailleurs pensée comme un très long morceau ininterrompu, aux variations baladeuses qui épousent les humeurs, les états d'esprit d'un pays autant que de son protagoniste principal jamais totalement démythifié, ni à contrario idéalisé. Simplement miroir déformant d'une Nation qui ne sait sur quel pied danser. Grand film.



8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Cuvée 2025

Créée

le 26 févr. 2025

Critique lue 18 fois

2 j'aime

Robin Tholet

Écrit par

Critique lue 18 fois

2

D'autres avis sur Un parfait inconnu

Robert Zimmerman, une légende anecdotique

Homme de talent sans doute, mais également cheville ouvrière d’une industrie, capable (qualité inestimable à Hollywood) de se plier aux exigences marquetées des studios et de s’intégrer parfaitement...

Par

le 29 janv. 2025

68 j'aime

21

Dommage

Lorsque Timothée Chalamet chante les magnifiques chansons de Bob Dylan, alors tout devient possible. Mais lorsqu'il interprète son personnage, alors ça ne l'est plus.L'évidence d'un mythe qui me...

Par

le 7 févr. 2025

31 j'aime

Bob Tisane, l'aventurier contre toute originalité

En vrai, pourquoi va-t-on voir un biopic sur Bob Dylan ?Pour se le remémorer ?Pour l'écouter autrement ?Pour le découvrir ?Pour le re-découvrir ?...Ou bien est-ce qu'on peut éventuellement envisager...

le 30 janv. 2025

28 j'aime

8

Du même critique

Une douleur agère

A Real Pain s'inscrit dans une tendance de cinéma "indé" américain qui a pour trait caractéristique de ne jamais rien transmettre ou produire par les outils propres au médium. L'on cherchera en vain...

le 29 janv. 2025

7 j'aime

1

Quémander son Oscar, le manuel

Pour quémander un Oscar, la recette est simple :1) Prenez un acteur habitué des seconds rôles et donnez-lui enfin la place qu'il mérite sous les spotlights, avec une performance qui lui permet de...

le 19 févr. 2024

7 j'aime