Apocalypse please

Avec sa conclusion anti-fataliste, Terminator 2 Le Jugement dernier n'appellait pas vraiment de suite. John Connor était sauf et toutes les reliques du futur pouvant amener à la création de Skynet étaient détruites. James Cameron n'avait plus rien à en dire si ce n'est qu'il y consacra en 1995, un court-métrage 3D destiné à l'attraction des parcs Universal T2-3D Battle across time. Cependant, les fans restèrent sur leur faim. L'univers créé par Cameron avait laissé sa marque sur la pop culture. Des ersatz nanardesques, des comics, des jeux vidéos entretenèrent la fascination pour cette histoire de robots tueurs. Durant toute la fin des années 90, les notules des magazines ciné parlèrent fréquemment d'un éventuel projet de suite à Terminator 2. Mais Cameron étant occupé sur son projet de film avorté Spider-Man puis sur Titanic, hors de question pour lui de rempiler. En coulisses, la Carolco, détentrice des droits fit faillite et dut vendre son catalogue à la concurrence. Cependant Andrew Vajna et Mario Kassar se gardèrent bien de céder les droits de leur ancienne poule aux oeufs d'or. Ils fondèrent leur boite C2 pictures et èrent Schwarzenegger. Celui-ci alignait alors les échecs critiques depuis Batman and Robin et songeait sérieusement à sa carrière politique. Un succès au box office ne lui ferait pas de mal pour lui confirmer sa popularité auprès des fans. Acceptant la proposition du duo de producteurs, Schwarzy devint le principal argument de ceux-ci pour trouver des investisseurs. Entretemps, la star se tourna vers Cameron pour lui demander de réaliser Terminator 3. Mais ce dernier ne voulut rien entendre, trop occupé à rêver déjà à son Avatar et à son adaptation du manga Gunnm. Son successeur sera finalement un réalisateur de seconde liste, Jonathan Mostow, lequel venait de signer deux bons films (Breakdown et U-571). Un jeune cinéaste ayant suffisamment d'épaules pour porter le projet. Le script fut confié à John D. Brancatto et Michael Ferris qui ne se creont pas trop les méninges pour trouver l'intrigue de ce troisième opus, pompant allègrement sur la mécanique de course-poursuite des deux premiers films, surtout de T2. Sorti en 2002, dans un panorama chargé en franchises à blockbusters (Matrix, Star Wars, Le Seigneur des anneaux, Spider-Man), Terminator 3 renfloue les caisses sans pour autant casser la baraque.


Il faut dire que ce troisième opus n'a rien d'un chef d'oeuvre. Il s'agit tout juste d'un bon spectacle, plutôt bien emballé par un faiseur qui, sans jamais bâcler ses scènes, exprime clairement à l'image qu'il n'a pas l'ambition de se hisser au niveau de Cameron. Mostow savait pertinemment que son film serait inévitablement comparé aux deux premiers opus. Et il savait aussi qu'il ne serait probablement pas en mesure de faire mieux. D'autant plus que le scénario écrit par Brancatto et Ferris n'était au final qu'une pâle copie de celui de T2. La seule solution pour lui fut donc d'assumer par avance le statut préalablement mal-aimé de son film et de faire son boulot le plus correctement possible. Sa mise en scène serait efficace, les scènes d'action impressionnantes, les clins d'oeil aux fans seraient nombreux et, impératifs de production oblige, le film se devait d'appeller une suite.


Il est amusant de revoir Terminator 3, surtout en ayant revu les deux premiers films juste avant. Et de constater cet écart tonal, loin de la SF en tech-noir (le premier) ou en noir et bleu (T2) des films de Cameron. Le film de Mostow est clairement un film de son époque, un produit plus diurne, drôle et formaté pour répondre aux attentes du grand public et de premiers fans vieillissants. Sarah Connor n'est plus (Linda Hamilton ne voyait à l'époque pas l'intérêt de rempiler), John Connor a changé d'incarnation, grandi et est devenu vagabond. Bien que soulagé du poids de la destinée qui lui incombait, le jeune homme se sent perpétuellement en danger, obligé de fuir. Et il a raison. Car les événements de T2 n'ont pas enraillé pour autant ce qui doit être. Le Jugement dernier a juste été retardé. Vaincu par les troupes de Connor dans son futur alternatif, Skynet renvoie à nouveau un robot pour tuer, non pas Connor, qui demeure désormais inlocalisable, mais tous les jeunes qui deviendront ses futurs généraux. Censément plus efficace que le T-1000, le T-X allie les formes d'une femme sculpturale à la froideur d'un robot en partie constitué de métal liquide mais dont le squelette lui offre tout un éventail d'armes complexes. Face à elle, le bon vieux modèle 101 est envoyé dans le présent. Un T-850 légèrement supérieur aux deux premiers (on se demande toujours en quoi...) et dont on apprend qu'il a été reprogrammé par la résistance après qu'il ait réussi à assassiner John Connor dans le futur.

Le chemin de John Connor croisant celui de sa future épouse Kate Brewster, les deux jeunes gens étant protégés par le T-850, la course-poursuite commence. Et plus qu'une simple poursuite, il s'agira d'une véritable course contre la montre, les jeunes héros apprenant qu'ils n'ont que quelques heures pour tenter d'enrayer le Jugement dernier.


La mécanique est donc sensiblement la même que celle de T2, adaptée aux besoins d'une continuité (le Jugement dernier aura-t-il finalement lieu ?) qui traine quelque peu des pieds et va bien sûr à contre-sens du propos de James Cameron dans le second opus (l’avenir semble hélas écrit). Le crédo de la franchise reste toujours le même : faire fuir ses personnages devant la menace d'un adversaire a priori indestructible. Et il commence à lasser.


Pourtant, comme dit plus haut, Mostow fait tout son possible pour sauver les meubles, nous offrant même au age une séquence de course-poursuite en camions particulièrement rythmée et... destructrice (de loin la meilleure scène du film). Le reste tient au plaisir de voir John Connor se coltiner un double du T-800 auquel il s'était affectivement attaché lorsqu’il était enfant. L'occasion de jouer sur des situations assez drôles (le T-850 s'assurant brièvement de la bonne santé de son protégé, les courses très rapides à la station service) et le décalage suscité par quelques répliques jetées par un robot dénué de tact ("Votre conversation est saine. Elle vous permet d'oublier que vous allez peut-être mourir"). Cependant, l'usage de l'humour s'avère parfois à double-tranchant, notamment lorsque le film sombre dans l'auto-dérision et désacralise du même coup la figure iconique du Terminator (les lunettes d'Elton John...). Quant au T-X, si Kristinna Loken s'avère assez charismatique pour incarner cette menaçante terminatrix, son personnage n'est qu'une copie au féminin du T-1000 de Robert Patrick, en bien moins mémorable.


Le plus dommageable au film est de ne pas avoir respecté l'attente des fans. Car quel fan de T2, alors enfant en 1991, n'a jamais rêvé de voir sur grand écran une version plus longue du Jugement dernier ? En ce sens, le soulèvement des machines du titre, véritable promesse d'un spectacle apocalyptique, n'est en fait ici qu'un prétexte à un énième ride bourré de poursuites en motos, en camions et même en avion. Quant à la scène de la prise de pouvoir de Skynet, séquence où l’état-major fait le choix de confier toutes des défenses à l’intelligence artificielle, elle est un rien bâclée et aurait mérité bien plus de suspense de façon à accentuer la singularité machiavélique de Skynet.

L’apocalypse finale, elle, ne nous sera même pas montrée. À peine aura-t-on droit à un petit massacre dans un complexe militaire, quelques vues d'ensemble de la planète sous le feu nucléaire et une voix brouillée sur un moniteur censée représenter le premier appel de la résistance. À trop avoir misé sur leurs scènes d'action, les producteurs ont purement et simplement sacrifié la teneur apocalyptique promise par le titre. Un Jugement dernier qui devait probablement être hors de leurs moyens financiers. Mais le final, lui, ne laissait aucune échappatoire pour les financiers, tout frileux qu’ils soient : Terminator 4 se déroulerait cette fois bel et bien dans le futur après l'holocauste nucléaire. Il n'y a donc rien d'étonnant à voir que, s'étant bien renfloués sur ce troisième opus, les producteurs Kassar et Vajna revendirent ensuite les droits de la franchise. Schwarzenegger lui, au sortir de ce Terminator, devint Governator. Les fans avaient suffisamment payé pour assister à un spectacle en demi-teinte longtemps attendu, tout le monde (ou presque) était content.

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Buddy_Noone

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