Hormis peut-être le brouillon "Murder a la Mod", et après les balbutiements des 4-5 tentatives qui suivirent, "Sisters" est le premier film qui définit les bases du cinéma De Palmien, et ouvre sa période hitchcockienne - qui couvre grosso modo les années 70 et le début des eighties.
Outre la musique confiée à Bernard Herrmann, les références au Maître du suspense sont légion, à commencer par "Psycho", la plus évidente, au même titre que "Rear Window". Mais on peut également citer "Rope" avec la présence d'un cadavre (caché) au milieu de la pièce, ou encore "Vertigo" avec l'existence de sœurs jumelles.
Par ailleurs, les gants noirs et l'arme blanche rappellent le giallo italien, tandis que la séquence finale à l'asile évoque l'expressionnisme d'œuvres telles que "Das Cabinet des Dr Caligari" ou "Freaks".
Mais De Palma ne se contente pas de compiler les références, il revisite complètement ses influences, proposant une mise en scène aussi baroque que maîtrisée, qui va devenir sa patte : split-screens, dilatation du temps, thème du double, sexualité explicite, jeu sur le voyeurisme...
"Sisters" est aussi le film qui, grâce a son succès critique et public, lancera la carrière hollywoodienne de son auteur, qui bénéficiera désormais de financements plus conséquents.
Car la modestie du budget (on parle de 300 000 $) pénalise "Sisters" lors de certaines séquences. D'ailleurs son aspect franchement kitsch par moment fera sans doute fuir certains cinéphiles : la scène du meurtre initial, notamment, avec son sang couleur vermillon, n'est clairement pas une réussite, surtout avec un œil contemporain.
Pourtant, si "Sisters" a indéniablement vieilli (effets spéciaux, rythme), De Palma se débrouille pour proposer une photo soignée, et visuellement le film reste superbe, à l'image de l'incroyable séquence "d'hypnothérapie".
Un dernier mot sur le casting : avec son budget restreint, De Palma tourne en priorité avec les comédiens de son entourage, pour un résultat forcément inégal, avec une Margot Kidder guère convaincante, notamment. Jennifer Salt s'en sort mieux de mon point de vue, pourtant sa carrière ne décollera pas. Quant à William Finley, son look et ses traits disgracieux en font un méchant mémorable, avant de crever l'écran l'année suivante dans "Phantom of Paradise".
Avec ses quelques maladresses et facilités scénaristiques, "Sisters" est un thriller d'épouvante précurseur, qui vaut avant tout pour sa mise en scène singulière et innovante. Toutes les marottes stylistiques et thématiques de De Palma sont déjà présentes, et trouveront leur aboutissement dans les œuvres qui suivront, telles que "Dressed to Kill", "Blow Out" ou "Body Double".