Rois et reine, faites la liaison : rois zé reine
Reine de qui, reine de quoi ? Reine d'un suicidé, reine de son enfant, reine de son père, reine de son amant, reine de son mari, reine de son servant anglais ; Femme, sans âme, de bulles de temps en bulles de temps, froide - l'orgueil essoufflé -, petite fille sans mère, à peine soeur, mère seule ou accompagnée, amante, épouse ; toujours la même, jamais toute.
La mort approche, la mort réveille les disparus ; "c'était tellement triste quand tu es mort." dit-elle calmement.
Desplechin continue et commence son auto mythologie, cette structure familiale de la névrose idéale car littéraire - non pas romanesque, non pas romantique : ridiculement tragique, à l'image de cet altiste bourgeois qui écoute de rap de gangsters américains. Ismaël, futur Henri, le gentil fou fume déjà trop et Elisabeth, sa soeur, le déteste déjà - sans les larmes théâtrales pour l'instant ; Abel est d'une douceur de vieillard inouïe et bien évidemment que sa femme se doit d'être la psychiatre qui aime encore à ce qu'on lui dise qu'elle est jolie. Le cousin paumé fait aussi parti de la bande - mais quelle est cette histoire qui se répète mais ne se ressemble pas ?
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Ce n'est pas tout.
La pluralité des rois les extermine face à la singularité de la reine, obviously. Ils tombent tous, se brisent ou sont tués par cette dame, qui n'est pas une gourde dépressive. Les hommes vivent pour mourir, de toute façon
Alors : l'agonie ou le repos face à l'impuissance ?
Now that my ladder's gone,
I must lie down where all the ladders start
In the foul rag and bone shop of the heart.
(Est-ce qu'Elias, le prophète sans nom du père, deviendra Paul Dedalus ?)
Une âme c'est une manière de négocier au quotidien avec la question de l'être. C'est peut-être un film sur la solitude.
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On pourra se moquer grassement de la verve intensément intellectuelle, le bagou !, et se demander à quoi ressemblerait Desplechin sans son habit d'universitaire qui, plus que des punchlines en cascade, cite les philosophes grecs ou allemands et encadre des tableaux mythologiques à longueur de plans ; mais cet inable, chez Amalric surtout, c'est l'iné de soi, c'est inable car c'est l'idéal : moi aussi je veux mettre une cape de mousquetaire sans qu'on m'emmerde, bordel !
Je ne le fais pas, et je suis amoureuse inlassablement de la figure de l'insolent désinvolte qui se moque de moi.
Un jour, j'écrirai peut-être sur Un conte de Noël (en rigolant de votre Capra).