Patriarche de la défense.

Film de commande qui achève la trilogie de la cavalerie, Rio Grande reprend les ingrédients d’un univers fordien en diable. Wayne y endosse à nouveau son rôle de chef paternaliste qu’il va cette fois épaissir d’une dimension paternelle au sens propre. Après 15 ans de séparation familiale pour bons et loyaux services à la sainte mère l’armée, madame est de retour à la suite du fiston venu suivre l’exemple du paternel héroïque.
Comme toujours chez Ford, les personnages sont rendus attachants grâce à un sens du détail et une interprétation généreuse : le trio Wayne / O’hara / McLaglen, en échauffement avant le feu d’artifice du Quiet Man à venir (et que cette commande va rendre possible) fonctionne à merveille. Le héros au regard paisible, la femme forte et le sergent porté sur la boisson équilibrent un film où s’enchainent chansons, cavalcades et actes de bravoure.
Le film accentue la dimension familiale par un nouveau regard : ce n’est plus la fondation d’un foyer sur les amours des jeunes premiers qui focalise le récit, mais la pérennité d’une cellule à l’épreuve de la carrière militaire. Plutôt que de renouveler son vivier de comédiens, Ford choisit de faire mûrir ses intrigues avec ceux qui lui restent fidèles, ce qui contribue à un attachement au long cours, et fait de Rio Grande un film qui s’identifie comme le chapitre d’une filmographie à la maturation continue.
Dans ce dilemme qui tend à définir la nature paternelle de Wayne, héros de la nation ou de ses proches, la partition s’équilibre sur des intrigues qui amplifient par écho les drames intimes : c’est la solidarité avec un soldat accusé de meurtre, c’est le é de la guerre civile qui oppose l’épouse et Quincannon, pyromane repenti. C’est enfin la question de l’enfance à travers le kidnapping des indiens qui vient exacerber la question filiale, occasionnant de très beaux plans comme celui des femmes orphelines, piétas sans enfants, ou une galerie de portraits juvéniles qu’on trouvait déjà dans Les Raisins de la Colère.
Si le scénario semble plus expéditif qu’à l’accoutumée, et qu’on privilégie davantage une atmosphère confinant à l’autocitation, Rio Grande reste attachant par le plaisir des retrouvailles avec cet univers désormais familier qu’est celui de la cavalerie fordienne.

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le 4 sept. 2014

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Sergent_Pepper

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