Last fix in Brooklyn

En mars 2001, après un age par le Festival de Cannes, déboula sur nos écrans un petit film surgit de nulle part qui allait, durablement, marquer et plusieurs générations de spectateurs (on ne se remet jamais vraiment de sa première vision de Requiem for a dream), et le monde du septième art. Cinq ans après Trainspotting, sur un thème assez similaire, mais dans une approche stylistique totalement différente, Requiem for a dream aborda lui aussi, frontalement, les ravages de la dépendance, et pas seulement celle à la drogue. Adapté du roman Retour à Brooklyn d’Hubert Selby Jr. (si Burroughs et Bukowski avaient eu un fils, ce serait lui), Requiem for a dream est la plongée cauchemardesque, lente puis syncopée, dans les enfers de la déchéance et des désillusions. Ici pas d’espoir, de rédemption et encore moins de vie en rose. Ici on perd tout : sa liberté, son corps, sa conscience, son âme.

L’histoire ? Quatre personnages, Sara et son fils Harry, Marion sa petite amie et Tyrone son pote de défonce, en quête compulsive (et convulsive) d’un meilleur, pensées vrillées, yeux rouges, veines noires et peaux blafardes. À chacun son rêve de gloire éphémère, ses envies de planer ou de pouvoir rentrer à nouveau dans une robe. À chacun aussi, plus tard, son atroce agonie. Darren Aronofsky illustre, avec une puissance esthétique rare, l’engrenage infernal (et à l’issue forcément fatale) de l’accoutumance : aux drogues, aux cachets, à la célébrité, à l’argent… Le film se construit à la manière de ce que vont subir ses protagonistes (ataraxies, ruptures, itérations, flashs et affolements) au fil des saisons et jusqu’au vertige. Jusqu’à les laisser exsangues, repliés sur eux-mêmes, littéralement, seuls avec leurs échecs que rien n’aura pu empêcher, pas même l’amour.

Aronofsky déploie tout un arsenal d’effets cinématographiques (split screens, accélérations, pauses, hallucinations, gros plans en cascade de seringue, de capsule, de pilules et de pupille) exprimant parfaitement et au plus près cet état fragmenté et répétitif de la sujétion, qu’elle soit dure (pour Harry et Tyrone) ou plus pernicieuse (pour Sara et Marion). Pour le spectateur, les 1h40 de Requiem for a dream sont un choc, émotionnel et sensoriel, provoqué par l’accumulation de scènes de plus en plus difficiles (il y a une sorte d’outrance, de trop-plein, pleinement assumés par Aronofsky et qui deviendront, au fil des années, sa marque de fabrique). La fin du film (images et musique saccadées, stridentes et terrassantes) est comme un very bad trip dont il semble qu’on ne reviendra pas, scandé par la musique obsédante de Clint Mansell et du Kronos Quartet. Apothéose de l’horreur (chairs nécrosées, suintantes et outragées), achèvement de vies brisées pour quelques miettes de bonheur, implacablement détruites par les artifices qu’elles ont, à corps perdu, employés en pensant y parvenir.

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le 2 avr. 2025

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mymp

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