Le scénario s'inspire, avec de grandes libertés, d'un fait réel. La première visite de journalistes occidentaux dans le régime cambodgien des Khmers Rouges, en 1978. Visite qui culmina sur un entretien avec Pol Pot en personne, et un dénouement inattendu.
Dans "Rendez-vous avec Pol Pot", les deux Américains et l'intellectuel marxiste britannique sont remplacés par trois Français. Deux journalistes qui cherchent à connaître les dessous du régime, derrière la façade qu'on leur présente. Et un intellectuel communiste, sympathisant du régime Khmer, ami épistolaire de Pol Pot en personne, qui cherche à se voiler la face et à voir en personne celui qu'il idéalise tant.
Le portrait des trois protagonistes peut sembler caricatural, et il est vrai que le jeu des acteurs est parfois grossier. Mais j'avoue que le film m'a furieusement fait penser à l'un des plus célèbres épisodes de l'émission documentaire "Striptease". "Une délégation de très haut niveau", diffusé en 2000, où des députés belges effectuaient une tournée surréaliste en Corée du Nord. La plupart s'insurgeant devant une visite infantilisante, tout en donnant des leçons de droits de l'Homme sans réel pouvoir. Quand leur leader buvait la propagande comme du lait et félicitait amplement le régime Nord-coréen.
On en retrouve beaucoup de tropes dans le film de Rithy Panh, à croire qu'il s'est largement inspiré de cet épisode ! En tout cas son film montre les conflits intellectuels entre d'un côté, ceux qui veulent croire à la révolution, quitte à se mettre des œillères. De l'autre, ceux qui s'autoproclament pourfendeurs de la vérité, et qui prennent des risques inconsidérés pour aller au-delà de ce qu'on leur montre.
L'autre sujet est évidemment d'aborder le génocide commis par les Khmers Rouges. Là-dessus, le réalisateur use de stratagèmes étonnants. Des images d'archives, projetées en contre-champs ou en arrière-plan. Des séquences tournées avec des mannequins d'argile (!) pour les scènes qui auraient nécessité le plus de budget.
Contraintes logistiques ou choix artistique, allez savoir, toujours est-il que cela fonctionne plutôt bien. Mieux même que les séquences classiques, qui parfois s'enlisent quelques peu.