Ma ligne de chance, sa ligne de hanche

Hérésie, en dehors de tout calibre - Poésie - encore si fou, si libre : Godard, avec ce film, s’est révélé à moi si loin de ce qu’on m’en avait dit : l’Ennui, E majuscule, boursoufflé en une œuvre qui sait son génie, qui vous regarderait, vous spectateur - plutôt que de se laisser voir - et qui - tel un professeur - vous regarderait de haut, forcément de haut. Sentencieux, prétentieux.

Or, avec ce film, rien qu’avec lui, tout le contraire en fait - encore aujourd’hui : énergie et jeunesse, audace et fougue, érudit sans cesse mais sans lasser les foules. Alors certes, d'ennui il parle, mais s'il en parle, c'est sans Ennui. Comment s’ennuyer devant ces belles errances, Anna Karina chantant sa ligne de chance, ou Belmondo tout plein d'innocence, ant tout le poids de cette insolite romance. Ce Pierrot, la gueule drôle mais l’air grave, seul homme à se faire Drame, comme tant d'autres, par amour pour une femme. Laissé pour mort Ferdinand, doux rêveur, tendre naïf, piégé par l'insolente espièglerie d'une sublime Marianne.


Et ce pont qui ne relie rien, ces feux d'artifice comme des tonnerres, ces petites merveilles dont le film est plein. Un film-collage, en bleu et en rouge : chaque image, chaque mot, chaque personnage sont de rouge et de bleu. Le rouge sang, le bleu des yeux, le ciel, le sable, l’eau et le feu mariés pour un plan. Le film s'improvise et danse la mort et la vie, l’envie, la folie. Le désespoir, l’amour. Le rouge et le bleu. L’encre et le sang, les cris et les chants. Comme les couleurs d’un livre d’enfant.


Les plans s'opposent au lieu de s’enchâsser, les scènes riment plus qu'elles ne content, et offrent à vivre plutôt qu'à suivre.


Comme le dit Anna Karina, moi, en le découvrant un jour, « jamais je n’aurais cru qu’il me plairait toujours ».
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les plus belles claques esthétiques

Créée

le 13 avr. 2014

Critique lue 360 fois

1 j'aime

Omael

Écrit par

Critique lue 360 fois

1

D'autres avis sur Pierrot le Fou

Ceci n'est pas un film

Je préviens ça va pas être clair (du tout)... Mais en même temps... Et après on va me dire que je regarde des trucs bizarres qui ne sont pas des films... Mais que cherche Godard ici même ...

Par

le 17 juil. 2011

116 j'aime

26

Intolérable vanité

Bon alors c'est du Godard : et vas-y que je te fais n'importe quoi avec le son, et vas-y que je te colle de la philosophie à deux balles, et vas-y que je te coupe la musique n'importe quand, et vas-y...

Par

le 11 mars 2016

99 j'aime

39

Dynamitage à tous les étages

Un film d'une densité impressionnante. Dynamitage à tous les étages, Dilettante et exigeant, foutraque et maîtrisé, drôle et déconcertant. Le film est un art poétique foisonnant qui brasse toute la...

le 7 déc. 2013

95 j'aime

4

Du même critique

L'Empire contre-attaque
10

Entre Racines et Cîmes

Le revoir, c’est voyager dans le temps, dans ma mémoire. Sa découverte, c’est juste un de mes tous premiers souvenirs de film, et, probablement, un de mes tous premiers souvenirs tout court,...

Par

le 21 avr. 2014

11 j'aime

4

Deux en un
10

Binôme du Premier Degré

Étincelante dans le cynisme morne du cinéma et de la société, l’œuvre lumineuse des Farrelly est peut-être la plus discrètement essentielle de ces dernières années. Par ce corpus d'une cohérence...

Par

le 27 avr. 2014

8 j'aime

Psyence Fiction
10

Do Androids Dream of Electronic Beats ?

Sur la pochette, le lettrage est identique, ou presque, à celui de l'affiche originale de Blade Runner, le film de Ridley Scott. Et pour cause, à l'exploration de ces paysages sonores une impression...

Par

le 20 avr. 2014

8 j'aime

2